Le pasteur autoproclamé Paul Nthenge Mackenzie. Crédit Photo: SIMON MAINA / AFP
La justice kényane a annoncé mardi qu'elle allait poursuivre pour "terrorisme" le pasteur Paul Nthenge Mackenzie, après la mort de 109 personnes dans une forêt du sud-est du Kenya où se réunissaient des membres de sa secte.
Il est accusé d'avoir poussé ses adeptes de son Église Internationale de Bonne Nouvelle à mourir de faim
dans la forêt de Shakahola, une affaire qui a suscité effroi et incompréhension dans ce pays religieux d'Afrique de l'Est.
Cet ancien chauffeur de taxi devenu pasteur a comparu mardi devant un tribunal de la ville de Malindi, aux côtés de huit co-accusés. Il est apparu calme, vêtu d'une veste de sport rose et noire, d'une chemise rose et d'un pantalon marron, a constaté la presse.
A l'issue de l'audience, il a été transféré à Mombasa, la deuxième ville du pays à une centaine de kilomètres de là, où se trouve
"un tribunal habilité à traiter les affaires relevant de la loi de prévention du terrorisme",
a déclaré la procureure Vivian Kambaga.
Fin avril, après la découverte des premières dizaines de cadavres dans cette affaire, le président kényan William Ruto avait promis des mesures contre ceux qui
"utilisent la religion pour faire avancer une idéologie louche et inacceptable"
, en les comparant à des
.
Un autre pasteur, le plus célèbre du pays, Ezekiel Odero, doit comparaître mardi devant un tribunal de Mombasa. La cour doit statuer sur une demande des procureurs de le maintenir en détention pour 30 jours, le temps de mener des investigations sur sa possible implication dans ce qui est désormais appelé le
"massacre de la forêt de Shakahola"
Selon le parquet,
"il existe des informations crédibles reliant les corps exhumés
(...)
à
"plusieurs adeptes innocents et vulnérables
(de l'église d'Odero)
qui auraient trouvé la mort"
.
Ses avocats dénoncent une détention infondée.
"Aucune preuve n'a été apportée.
(...)
Jusqu'à présent il n'y a aucune plainte"
contre Ezekiel Odero dans cette affaire, a déclaré à la presse un des avocats, Cliff Ombeta, devant le tribunal où étaient réunis quelques dizaines de fidèles, priant et chantant.
La découverte de plus d'une centaine de corps, dont une majorité d'enfants, dans la forêt de Shakahola secoue le Kenya depuis plusieurs semaines.
Ce bilan est encore provisoire, les opérations de recherche de fosses communes n'étant pas terminées dans cette forêt de la côte kényane, où des fidèles du pasteur Mackenzie suivaient ses préceptes de jeûner jusqu'à la mort en attendant la venue de Jésus.
De nombreuses victimes retrouvées semblent être mortes de faim. Mais de premières autopsies menées lundi sur une dizaine de corps ont également révélé deux décès par asphyxie.
L'arrestation du riche et célèbre télévangéliste Ezekiel Odero a par ailleurs dessiné une nouvelle piste dans cette affaire: les victimes pourraient ne pas toutes être des membres de l’Église Internationale de Bonne Nouvelle.
Ce télévangéliste, qui dirige son église appelée Centre de prière et Église de la Vie Nouvelle, est notamment visé par des enquêtes pour
"meurtre", "aide au suicide", "enlèvement", "radicalisation, "crimes contre l'humanité", "cruauté envers des enfants"
et
"fraude et blanchiment d'argent"
.
"La police a établi que plusieurs assassinats ont bien eu lieu dans l'enceinte du Ministère de la Vie Nouvelle"
à Mavueni, non loin de Malindi, écrivent les procureurs dans un document consulté vendredi par la presse.
Les enquêteurs souhaitent aussi vérifier des renseignements selon lesquels
"après la mort des fidèles innocents et vulnérables
(d'Odero)
, leurs corps ont été conservés dans une morgue privée
(...)
avant d'être transportés et enterrés dans la forêt de Shakahola"
.
Ce scandale a ravivé le débat sur l'encadrement des cultes au Kenya, pays majoritairement chrétien qui compte 4.000 "églises", selon des chiffres officiels. Les précédentes tentatives de réglementation se sont heurtées à une vive opposition, au nom notamment de la liberté de culte.
Un
"groupe de travail présidentiel"
sur ce sujet doit être lancé cette semaine, a annoncé lundi le ministre de l'Intérieur Kithure Kindiki. Les autorités sont également sous le feu des critiques pour ne pas avoir empêché les agissements de Paul Nthenge Mackenzie, pourtant arrêté à plusieurs reprises pour ses prêches extrêmes.
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