Crédit photo: SAMEER AL-DOUMY / AFP
La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), s’est dite alarmée par la situation des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme dans le monde et notamment en France, où ils sont la cible d’une répression allant, du ‘’harcèlement judiciaire’’ à ‘’la criminalisation’’ ou encore ‘’la stigmatisation’’.
‘’La CNCDH constate un rétrécissement de l’espace civique, parallèlement à une montée des autoritarismes et des attaques diverses à l’encontre des défenseurs sur tous les continents’
’, indique un avis adopté ce jeudi par l’institution et repris par ‘’Mediapart’’.
Elle souligne que ces attaques sont en
‘’augmentation’’
concernant
‘’les défenseurs des droits humains, notamment ceux militant pour le droit à un environnement propre, sain et durable, qui dénoncent les pratiques de certaines entreprises’’.
Les attaques contre les défenseurs et défenseuses des droits humains prennent de multiples formes, allant du
‘’harcèlement judiciaire’’
à
‘’la criminalisation’’
ou
‘’la stigmatisation’’
explique la CNCDH dans son avis.
"Ainsi, certaines législations nationales, telles que les lois antiterroristes, de lutte contre le trafic d’êtres humains, ou encore des législations sur les 'agents étrangers' inspirées de la loi russe de 2012 peuvent être instrumentalisées pour criminaliser les actions des ONG de défense des droits humains"
, détaille l’avis.
La CNCDH évoque également le cas de la France, où
"des pratiques de harcèlement judiciaire ont pu être observées, notamment contre des défenseurs des droits liés à l’environnement".
L’institution cite l’exemple des militants écologistes
"poursuivis pénalement dans le cadre de leur opposition à des projets environnementaux tels que les mégabassines ou les stockages nucléaires’’.
"Des poursuites ont également été engagées à l’encontre des militants à la suite d’actions de désobéissance civile"
, ajoute la CNCDH, qui évoque à cet effet la procédure de dissolution engagée contre les Soulèvements de la Terre, annulée in fine par le Conseil d’État jeudi 9 novembre.
"Dans le cadre de la réforme des retraites de 2023, des manifestations organisées par des syndicats ont été interdites ou réprimées violemment par les forces de l’ordre. Des salariés grévistes ont également été réquisitionnés’’
, déplore l’avis de la CNCDH.
Selon l’institution,
Le climat sécuritaire renforcé par la menace terroriste a contribué activement à l’instrumentalisation de cette menace pour restreindre l’espace civique et l’activité des défenseurs dans le monde et en France.
Elle a fait observer que de nombreuses mesures d’exception ont été prises au nom de la lutte contre le terrorisme.
Cependant, affirme-t-elle, le terrorisme est une notion
"qui, à ce jour, ne fait toujours pas l’objet d’une définition consensuelle en droit international, ce qui tend à favoriser des pratiques arbitraires de la part de certains pouvoirs publics, y compris les autorités judiciaires".
Pour la commission, ces dispositifs antiterroristes sont d’autant plus dangereux lorsque les responsables politiques se saisissent de cette notion floue [terrorisme] pour stigmatiser et dénigrer des associations trop critiques, qui sont accusées d’
‘’extrémisme’’,
de
‘’terrorisme’’
, d’être une
‘’menace sur la sécurité nationale’’
ou d’être des
‘’groupuscule[s] d’ultragauche’’ voulant ‘’mettre à bas la démocratie’’.
‘’Le rapporteur spécial sur les défenseurs de l’environnement a dénoncé la tendance en France à la criminalisation [de ceux-ci,] abusivement qualifiés d’“écoterroristes” par des officiels gouvernementaux et poursuivis sur la base de motifs fallacieux’’
, indique encore l’avis. Le terme
"écoterroriste’’
avait notamment été utilisé par le ministre français de l’intérieur Gérald Darmanin, pour qualifier les opposants aux projets de mégabassines.
La CNCDH rappelle en ce sens, avoir interpellé la première ministre Élisabeth Borne, le 7 avril 2023, sur
‘’une tendance devenue systématique dans la rhétorique du ministre de l’intérieur à dénigrer les défenseurs des droits humains et les organisations de la société civile, et à menacer de toucher à leurs subventions’’.
L’avis évoque également la question de la surveillance numérique,
"qu’il s’agisse de surveillance de masse ou de surveillance ciblant les défenseurs"
, et qui
"constituent une menace considérable que le droit peine à s’approprier".
"En France, malgré la mise en place d’un système de contrôle des licences d’exportation des biens à double usage (BDU) en application des réglementations internationales ou françaises, différents rapports d’ONG prouvent que des nombreux outils de surveillance venant de France ont pu être utilisés à des fins répressives par des régimes autoritaires, y compris contre des défenseurs des droits humains"
, pointe la commission.
Le constat sévère de la CNCDH a été accompagné de recommandations. Ainsi, contre l’instrumentalisation des législations d’exception, l’institution exige des
"garanties contre le détournement des législations de lutte antiterroriste à l’encontre des défenseurs"
.
Elle demande également
"l’adoption d’un texte législatif qui garantirait la reconnaissance et la protection juridique des défenseurs".
Tandis qu’au sujet des outils numériques de surveillance, la CNCDH demande
‘’à la France d’imposer un moratoire immédiat sur l’exportation, la vente, le transfert, l’utilisation et la maintenance des technologies de surveillance numérique et outils de 'hackage', qui ne pourrait être levé qu’à condition d’adopter un régime de garanties suffisamment conforme aux droits humains’’.
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