Crédit Photo : X / Medya X (Archives)
Temple d'Ayodhya, en Inde
Pour de nombreux Indiens, l'inauguration en janvier du nouveau temple hindou d'Ayodhya est l'aboutissement d'un rêve, mais pour la communauté musulmane, il n'évoque que le souvenir d'un bain de sang.
Le 22 janvier, le Premier ministre Narendra Modi inaugurera le nouveau sanctuaire, dont la construction était une promesse de longue date de son parti nationaliste hindou, le Bharatiya Janata Party (BJP).
Cette cérémonie doit rehausser son image de gardien de la foi, lançant de facto sa campagne pour les élections générales qui se tiendront plus tard dans l'année.
L'édifice a été construit sur le site d'une ancienne mosquée, démolie par des zélotes hindous il y a plus de trente ans, dans le cadre d'une campagne soutenue par le BJP.
Mohammed Shahid, 52 ans, se souvient parfaitement du jour de 1992 où des centaines d'hommes ont démoli la mosquée de Babri Masjid.
Mon père a été poursuivi dans une rue par la foule. Ils l'ont frappé avec un tesson de bouteille avant de le brûler vif.
"Mon oncle a lui aussi été brutalement tué. Ce fut une longue nuit noire pour notre famille",
poursuit-il
Les émeutes qui ont suivi ont fait 2.000 morts dans tout le pays, pour la plupart musulmans.
La destruction de Babri Masjid a porté un coup dur aux fondements de l'ordre politique laïc de l'Inde, ouvrant la voie à la montée du nationalisme hindou, devenu la force politique dominante du pays.
"Pour moi, ce temple ne symbolise rien d'autre que la mort et la destruction"
, frémit Shahid.
Sculpté dans le grès rose et le marbre, le nouveau sanctuaire a coûté selon les estimations 20 milliards de roupies (220 millions d'euros) et a été entièrement financé par des dons publics, selon le gouvernement.
Le temple est dédié à Ram, l'une des divinités les plus vénérées du panthéon hindou, qui serait née à Ayodhya il y a environ 7.000 ans.
Les croyants hindous pensent que la mosquée Babri Masjid avait été construite sur le lieu de sa naissance au XVIe siècle, sous l'empire moghol, une époque où leur foi était selon eux opprimée.
"Pour les hindous, c'est le rêve de toute une vie (qui est) en train de se réaliser"
, assure Santosh Dubey, qui faisait partie de la foule qui a détruit la mosquée.
Il se souvient que des milliers de volontaires religieux s'étaient rassemblés à Ayodhya à la veille de la démolition de 1992.
"Tout avait été bien planifié",
relate cet homme de 56 ans à l'AFP.
"Nous étions déterminés à faire tomber la mosquée, quoi qu'il arrive".
Une cinquantaine d'hommes, dont M. Dubey, alors âgé d'une vingtaine d'années, ont escaladé le dôme central de la mosquée à l'aide de cordes et l'ont réduit en ruines à l'aide de masses.
"J'ai donné mon sang et ma sueur pour ce temple",
affirme cet homme, qui a passé près d'un an en prison pour participation à une organisation criminelle et promotion de la haine religieuse.
, affirme-t-il.
"Je suis fier de ce que j'ai fait. Je suis né pour servir le seigneur Ram (...), l'âme vivante de l'Inde".
M. Dubey a déclaré n'être pas troublé par le bain de sang qui a suivi.
"Je peux renoncer à ma vie pour Ram et je peux aussi prendre une vie pour Ram. (...) Tant d'hindous ont également sacrifié leur vie pour cette cause".
Le site où se trouvait autrefois la mosquée est resté inoccupé pendant des décennies avant que la plus haute juridiction indienne n'autorise la construction du temple en 2019, après plusieurs années de querelles juridiques.
Ce verdict a encouragé des groupes de militants à poursuivre d'autres actions contre des lieux de culte musulmans qui, selon eux, ont été construits sur des sanctuaires hindous sous le règne des Moghols.
A quelque 25 kilomètres d'Ayodhya, un terrain a été réservé pour la construction d'une nouvelle mosquée, conformément au verdict du tribunal.
Sur ce terrain vague, une affiche annonce un "chef-d'œuvre en cours de réalisation". Mais la collecte de fonds n'a pas commencé, car de nombreux membres de la communauté musulmane locale se plaignent de l'éloignement du site.
Azam Qadri, président d'un organisme musulman local à Ayodhya, a déclaré qu'il craignait que d'autres mosquées ne subissent le même sort que Babri Masjid.
"Les musulmans devraient pouvoir vivre en paix et leurs lieux de culte ne devraient pas leur être retirés"
, a déclaré M. Qadri à l'AFP.
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