L'IA dans le journalisme, "un changement fondamental" et inarrêtable, selon un expert
09:4220/04/2024, Cumartesi
AFP
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Crédit Photo : Kirill KUDRYAVTSEV / AFP
Le logo de l'application ChatGPT développée par l'organisation américaine de recherche en intelligence artificielle OpenAI sur l'écran d'un smartphone et les lettres AI sur l'écran d'un ordinateur portable.
L'intelligence artificielle (IA) bouscule les journalistes et va provoquer à brève échéance "un changement fondamental dans l'écosystème de l'information", considère le consultant David Caswell, ancien de Yahoo! et du BBC Newslab, l'équipe innovation du groupe audiovisuel public britannique, dans un entretien à l'AFP.
Comment voyez-vous le journalisme du futur?
"On ne sait pas mais on essaie de voir les possibilités. Des choses deviennent plus claires: plus de médias vont être créés et nourris par des machines. Elles rassembleront des infos, feront plus de production, de l'audio, de la vidéo et du texte.
C'est un changement fondamental dans l'écosystème de l'information, et du journalisme en particulier. C'est structurellement différent du système présent.
On ne sait pas combien de temps cela va prendre, peut-être deux, quatre, sept ans. Je pense que ce sera plus rapide car il y a peu de friction. Il y aura peut-être des sujets juridiques, les habitudes de consommation des gens et des journalistes ralentissent aussi le processus. Mais pas besoin de nouveaux appareils, pas besoin d'expertise technique ou de beaucoup d'argent pour produire. Tout ce qui constituait des barrières dans la première génération d'IA n'en sont plus grâce à l'IA générative".
Quels sont les derniers développements en cours dans les rédactions?
"Il existe une classe d'outils qui permet un flux par l'IA, utilisé par exemple au Danemark par le groupe JP/Politikens pour gagner en efficacité. C'est utile pour la suite de la transition de leur modèle car, derrière l'outil, il y a une infrastructure. Google travaille sur un outil, -Genesis-, qui est testé aux Etats-Unis avec des publications rémunérées. Il y aura des outils mis en place par des plateformes.
En gros, on met les éléments collectés, PDF, transcriptions, audios, vidéos. L'outil aide à analyser, résumer, transcrire. Le journaliste coordonne, vérifie le contenu au fur et à mesure, édite. Le job devient de manager l'outil. Cela marche en tant qu'outil mais cela va-t-il marcher dans les rédactions à une large échelle? Cela va-t-il être productif sur le long terme?"
Quel est le coût?
"Dans la dernière décennie, c'était très cher. Il fallait construire un magasin de données, avoir un accord avec Amazon ou Google Cloud, embaucher des experts, des ingénieurs, c'était un investissement majeur. Seuls la BBC, le New York Times ou ce type d'organe de presse pouvait se le permettre.
Ce n'est plus le cas avec l'IA générative. Il est possible de gérer un flux d'informations à travers une interface payée 20 dollars par mois. Pas besoin de coder. Tout ce qu'il faut, c'est de la motivation, de l'enthousiasme et de la curiosité.
Beaucoup de gens dans les rédactions qui n'auraient pas été impliqués dans le passé, car ils n'avaient pas la formation technique, peuvent l'utiliser aujourd'hui. C'est beaucoup plus ouvert comme forme d'intelligence artificielle. Je pense que c'est bien mais cela bouscule les rédactions".
À quel moment de l'IA sommes-nous?
"L'IA existe depuis les années 1950. Mais, pour des applications pratiques, l'IA est apparue avec ChatGPT (en novembre 2022, ndlr). Cela va prendre plusieurs années avant que l'on comprenne ce que l'on peut créer de valable. Il y a tellement de choses qu'il est possible de faire.
Le risque est que les entreprises de la tech et des start-ups fassent les choses plus vite que les rédactions. Beaucoup de start-ups n'ont pas de composante éditoriale. Elles peuvent aspirer communiqués, rapports, éléments des réseaux sociaux."
En quoi l'IA peut-elle à la fois être un risque et une chance?
"Ces 10-15 dernières années, il n'y a pas eu de vision pour le journalisme dans l'univers des réseaux sociaux. L'IA donne une chance de changer cette situation, de participer à un nouvel écosystème. C'est bien d'être optimiste, d'explorer, d'expérimenter, de changer sa façon de voir, je le constate.
Comme le dit Jelani Cobb, doyen de l'école de journalisme de Columbia, -l'IA est une force qu'on ne peut ignorer, autour de laquelle le journalisme va devoir s'organiser-. Et pas l'inverse."