L'artiste sud-africain Robin Rhode voit Johannesburg comme une "toile brute"
13:2312/09/2024, jeudi
AFP
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Crédit Photo : EMMANUEL CROSET / AFP
L'artiste sud-africain Robin Rhode pose pour un portrait à la Stevenson Gallery à Johannesburg le 6 septembre 2024.
Le support de la dernière œuvre de Robin Rhode, artiste sud-africain installé à Berlin, a été trouvé dans un stade abandonné de Johannesburg, la ville où il a grandi et dont la "déliquescence" l'inspire profondément.
"Mon travail est profondément enraciné dans Johannesburg, et je pense qu'une des raisons est que la ville fonctionne, par bien des aspects, comme une sorte de toile grossière, abîmée, c'est presque un appel à dessiner ou peindre une nouvelle histoire sur cette toile brute"
, explique à l'AFP l'artiste de 48 ans.
Robin Rhode a quitté Johannesburg pour Berlin il y a 20 ans, lorsque sa carrière internationale a décollé. Il peint sur des murs, enflamme des pianos et dessine des objets de tous les jours (clés, ampoules...) à la craie ou au fusain.
Il s'exprime souvent sur des supports extérieurs (murs, sols), où l'essentiel de son travail est voué à s'effacer. Ses œuvres sont immortalisées dans des photos souvent espiègles, où lui-même ou ses collaborateurs posent parfois durant la création, ou dans des vidéos.
Son travail a été acquis par des institutions aussi prestigieuses que le MoMA (Musée d'art moderne) à New York. Il a réalisé une vidéo pour le groupe de rock U2 et a remporté le Zurich Art Prize en 2018.
Bien qu'il puisse travailler n'importe où, Johannesburg l'appelle sans cesse à revenir.
Il y a 15 ans, le Stade Cecil Payne de la capitale économique sud-africaine avait été rénové et mis aux normes pour devenir un site d'entraînement de la Coupe du monde de football de 2010, organisée en Afrique du Sud.
Abandonné par la municipalité par la suite, sa clôture a progressivement été volée pour être vendue comme ferraille. Un club privé entretient le terrain principal, mais mauvaises herbes, tessons de bouteilles et douilles de munitions ont envahi ce qu'il reste des autres installations.
C'est sur un mur d'entraînement de tennis que Robin Rhode a peint la première œuvre d'une série intitulée
"Joburg Hymn".
"Revenir de Berlin, me promener à nouveau dans ces lieux, parcourir la ville et voir la déliquescence de ces structures a vraiment eu un effet profond sur moi",
dit-il.
"Cela m'a motivé à revenir pour réveiller ces installations."
Johannesburg a épuisé dix maires en huit ans, certains ne restant que quelques semaines, transformant le conseil municipal en un véritable jeu de chaises musicales. Dans ce contexte de pagaille politique, de nombreuses infrastructures, telles que le stade, ont cessé d'être entretenues.
Cette déliquescence a inspiré
"Joburg Hymn"
, un projet mêlant dessins, peintures, photos, vidéos et animations. Un drone, piloté par son frère Wesley, filme Robin Rhode posant parmi des ampoules dessinées sur le sol, symbole des fréquentes coupures d'électricité que subit la ville.
Le pianiste virtuose sud-africain Qden Blaauw et des chanteurs locaux accompagnent les vidéos de l'œuvre. "Travailler avec Robin me rappelle toujours de garder espoir et rester optimiste", explique Kevin Narain, chanteur de Johannesburg.
"Joburg Hymn"
est exposé en septembre et octobre dans deux galeries prestigieuses de Johannesburg, Circa et la galerie Stevenson, à mille lieues des terrains décrépis qui sont la source de sa créativité.
"La toile brute qu'est Johannesburg me sert d'inspiration, de motivation. C'est un moyen pour moi de revenir et d'injecter une sorte d'énergie et une nouvelle histoire dans ces espaces délabrés",
analyse Robin Rhode.
"Cela permet aussi à mon art de fonctionner comme une critique des diverses structures politiques qui s'effondrent. Je veux utiliser mon art comme un mécanisme de changement."