Plusieurs jours après avoir vu sa maison submergée par les inondations dans l'est du Kenya, Fatuma Hassan Gumo est retournée sur place pour récupérer ce qui pouvait encore l'être dans les eaux boueuses: à peine quelques ustensiles de cuisine.
Une crue soudaine de la rivière Tana, dans le comté de Garissa, frontalier de la Somalie, n'a laissé d'autre choix à la vendeuse de fruits de 42 ans et aux onze membres de sa famille que d'abandonner leur maison de boue séchée et de tôle ondulée pour se réfugier sur une portion de terrain épargnée par les eaux.
La Corne de l'Afrique ne s'était pas encore relevée d'une sécheresse dévastatrice qui a affecté des millions de personnes lorsqu'elle a été balayée par des pluies diluviennes liées au phénomène météorologique El Nino, qui ont provoqué d'importantes inondations, au Kenya, en Somalie et en Ethiopie notamment. Fatuma, bouleversée déclare:
L'eau a tout détruit. Ma vie est très dure en cet instant.
Dans un camp de déplacés installé en urgence dans le centre de Garissa, Mwana Juma Hassan se tient à côté de sa tente blanche, découragée. Elle se lamente:
Manger ici est devenu un luxe. Nous ne savons pas quand nous aurons notre prochain repas.
Avec sa fille adolescente, Mwana prévoit de rentrer chez elle dès que l'eau se sera retirée de sa parcelle, car elle craint de ne pas trouver à manger dans le camp.
Sur place, quelque 500 sinistrés ont passé quatre nuits à tenter de dormir sous une pluie incessante et dans des vêtements détrempés, avant que la Croix-Rouge kényane ne fournisse des tentes, explique Amina Duke Gabuku, tisserande de 60 ans.
Certains craignent l'apparition de maladies dans le camp, au vu des conditions sanitaires précaires. Mais Amina a d'autres préoccupations en tête. Elle lance à propos des distributions de nourriture:
Comment un kilo de riz peut nourrir sept enfants ?
Au total, les inondations devraient toucher 200.000 personnes, le niveau de la rivière Tana ayant déjà monté de trois mètres par rapport à la normale, explique-t-il.
Dans le camp, Abubakar Maliyu Jillo, un fermier de 49 ans, dit redouter une crise de longue haleine qui l'empêcherait de subvenir aux besoins de ses quatre femmes et douze enfants.
Agences humanitaires et défenseurs de l'environnement appellent depuis des années à donner plus pour aider les pays en voie de développement à faire face aux conséquences dramatiques du changement climatique, auquel ils contribuent pourtant le moins à l'échelle de la planète. Kunow Sheikh Abdi, directeur pour le Kenya de l'ONG américaine Mercy Corps assure:
Ce cercle vicieux rend quasiment impossible pour ces communautés de maintenir les progrès économiques qu'ils ont pu enregistrer.