Une vague de chaleur décime des millions d'oiseaux marins en Alaska

11:1413/12/2024, Cuma
AFP
Des guillemots de Troïl regroupés sur une corniche rocheuse du refuge faunique national maritime de l'Alaska, le 30 juillet 2019.
Crédit Photo : BRIE DRUMMOND / US FISH & WILDLIFE SERVICE / AFP
Des guillemots de Troïl regroupés sur une corniche rocheuse du refuge faunique national maritime de l'Alaska, le 30 juillet 2019.

Entre 2014 et 2016, une vague de chaleur maritime a causé la mort de millions de guillemots de Troïl en Alaska, un signe alarmant des effets du changement climatique.

Le guillemot de Troïl, un oiseau marin présent dans les eaux nordiques, a vu sa population drastiquement baisser en Alaska au cours de la dernière décennie, en raison du changement climatique.


Selon une étude publiée jeudi dans la prestigieuse revue Science, une vague de chaleur maritime inédite, survenue dans le Pacifique Nord entre 2014 et 2016, a conduit à la mort de quatre millions de guillemots de Troïl, soit près de la moitié de la population alaskienne.


Depuis cette hécatombe, les populations de ces oiseaux au plumage noir et blanc, souvent confondus avec les petits pingouins, montrent peu de signes de reprise. Cela suggère des changements à long terme dans le réseau alimentaire ainsi qu'un nouvel équilibre de l'écosystème.


"On parle beaucoup du déclin des espèces lié aux changements de température, mais dans ce cas, il ne s'agit pas d'un résultat sur le long terme",
explique à l'AFP Heather Renner, biologiste dans une réserve naturelle de l'Alaska et coautrice de l'étude.

"À notre connaissance, il s'agit du plus grand épisode documenté de mortalité de la faune sauvage au cours de l'ère moderne"
, insistent-elle et ses collègues dans l'étude.

Ces résultats doivent servir de
"sonnette d'alarme",
poursuit la chercheuse, car le réchauffement climatique, attribuable aux activités humaines, rend les vagues de chaleur plus fréquentes, plus intenses et plus durables.

Cadavres émaciés


Hauts d'une quarantaine de centimètres, les guillemots de Troïl sont considérés comme des oiseaux robustes. Grâce à leurs ailes fines, ils parcourent de grandes distances pour se nourrir et possèdent d'excellentes capacités de plongée.


Cependant, cette vague de chaleur, qui s'est étirée sur deux années et a touché une vaste zone du nord-est de l'océan Pacifique, de la Californie à l'Alaska, les a lourdement affectés.


Durant cet épisode, 62 000 oiseaux émaciés, morts ou mourants, ont été retrouvés sur des milliers de kilomètres de côtes.

Les chercheurs attribuent ce phénomène à une réduction de la qualité et de la quantité du phytoplancton, liée à la chaleur. Cela a affecté les poissons comme le hareng, la sardine et l'anchois, principales proies des guillemots.


Par ailleurs, l'augmentation des besoins énergétiques des grands poissons, également due à la chaleur, a intensifié la concurrence avec les guillemots pour ces mêmes proies.


"Nous savions alors qu'il s'agissait d'un problème important, mais malheureusement, nous ne pouvions pas vraiment en quantifier les effets"
, se remémore Heather Renner.

Les premières estimations évoquaient environ un million d'oiseaux morts. Toutefois, une analyse approfondie, basée sur les données de 13 colonies de guillemots, révèle que le nombre de morts était quatre fois plus élevé.


"La situation est bien pire que ce que nous pensions"
, rapporte Heather Renner.

Vie en collectif


La vague de chaleur a également touché les populations de morues du Pacifique, de saumons royaux et de baleines à bosse.


Cependant, certaines espèces, comme les guillemots de Brünnich, souvent présents sur les mêmes falaises que les guillemots de Troïl, ont été épargnées. Leur régime alimentaire plus adaptable pourrait expliquer cette résilience, précise Mme Renner.


Pour les guillemots de Troïl, les retombées persistent. Près de dix ans après la vague de chaleur, leurs colonies ne montrent aucun signe de reprise, et les pertes pourraient être permanentes.


Cela s'explique par le déclin à long terme de certaines de leurs proies, mais aussi par leur stratégie de survie basée sur la vie en collectif. Ces oiseaux se regroupent en gigantesques colonies pour protéger leurs œufs des prédateurs tels que les aigles et les mouettes. La baisse drastique de leur population a affaibli ce système de défense.


Des mesures de conservation couplées à une lutte efficace contre le réchauffement climatique pourraient offrir une chance de survie à ces oiseaux menacés. Mme Renner évoque également la nécessité de lutter contre certaines espèces prédatrices et envahissantes, comme les renards et les rats.


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