Un empilement de compressions métalliques es issues des chutes de production de canettes dans l'usine de recyclage et de production d'aluminium à Biesheim dans le Haut-Rhin le 5 décembre 2022 © SEBASTIEN BOZON / AFP
Telle une sculpture d'art contemporain, un empilement de compressions de métal cubiques issues de chutes de production de cannettes de boissons est prêt à être chargé dans un camion pour prendre la route. Pas vers un musée, mais vers une usine d'aluminium pour être refondu.
Chez Ball Packaging à Bierne, dans le nord de la France
, le moindre déchet de matière repart dans le circuit industriel, bien compacté sous forme de "ballot" métallique.
Idem sur le plus grand site d'Europe,
à Neuf Brisach, en Alsace
, dans l'est de la France, qui fond, lamine et recycle l'aluminium en un même lieu, appartenant au groupe Constellium.
"L'aluminium continue de valoir très cher",
souligne Matthieu Vivien, directeur de l'usine Ball, qui vient de convertir ses chaînes de fabrication au tout alu en 2021 pour produire des cannettes de soda, autrefois en acier.
Son principal client est l'usine voisine d'embouteillage Coca-Cola.
Au pied de chacune des machines qui crachent jusqu'à 30 cannettes par seconde (soit sept à huit millions par jour) des bacs grillagés récupèrent les tubes d'aluminium présentant un défaut. Les contrôles qualité sont drastiques. Un minuscule éclat griffé sur la peinture et la cannette est éjectée du circuit.
L'usine récupère ainsi 15 tonnes de rebut d'aluminium par jour. Un pactole à l'heure où le métal blanc très demandé, surtout depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine en février.
L'aluminium s'échange encore aux alentours de 2.400 dollars la tonne sur les contrats à trois mois du London Market Exchange (LME).
Plus à l'est, à Neuf-Brisach, dans l'immense usine Constellium qui est un fournisseur de Ball Packaging,
l'aluminium recyclé est même en passe de devenir la principale matière première du site.
Ici, on produit d'énormes bobines de métal, enroulé en ruban de 8 kilomètres de long. Elles sont destinées à l'industrie automobile et à l'emballage des sodas et bière. Chaque bobine permet de fabriquer un million de cannettes.
Ce jour-là, la gueule du four rotatif numéro quatre crache des flammes hautes comme des voitures.
Il vient juste d'avaler sept tonnes de ballots de chutes d'aluminium venant d'une usine comme celle de Ball, et de vieilles cannettes concassées issues d'un centre de tri de déchets ménagers.
Au bout d'une heure et demi, une coulée de métal argenté en fusion jaillit à 750 degrés.
De l'aluminium comme neuf.
Au total, l'usine, fleuron des Trente Glorieuses, née Cégédur-Pechiney dans les années 60, devenue Rhenalu puis Alcan et Rio Tinto, avant de renaître sous le nom de Constellium, produit aujourd'hui elle-même 400 tonnes d'aluminium recyclé chaque jour.
Soit environ 45% des bobines destinées aux cannettes.
L'aluminium se recycle à l'infini, affirment tous les professionnels du secteur. En réalité, "
on récupère 85% du métal qu'on enfourne pour le recyclage",
détaille pour l'AFP Kevin De Joye, de l'unité de recyclage de Constellium.
Les magmas incandescents qui restent après combustion contiennent encore
extraits par des sous-traitants spécialisés.
Aidé par le plan de relance français, l'industriel a investi
130 millions d'euros sur des travaux d'agrandissement
pour une nouvelle unité qui devrait lui permettre de quasi doubler sa capacité de recyclage,
à quelque 300.000 tonnes d'aluminium par an dès 2023.
"Le métal recyclé nous revient moins cher en général que le métal que nous devons acheter à des producteurs parfois lointains comme la Russie ou le Moyen-Orient",
fait valoir M. Loué.
Le recyclage permet surtout l'autonomie de Constellium en approvisionnement, même si l'aluminium russe n'est pas encore touché par les sanctions européennes imposées depuis l'invasion de l'Ukraine.
"Le recyclage consomme aussi beaucoup moins d'énergie que la production de métal vierge. Et c'est bon pour notre empreinte carbone"
, ajoute le responsable. D'autant que les clients eux-mêmes
"demandent d'avantage de métal recyclé dans leurs produits".
Reste un problème en France, celui de la récupération de l'aluminium dans les
ces cendres métalliques générées par l'incinération des poubelles ménagères dans les centres de traitement des déchets. Chaque année,
le pays en produit plus de 3 millions de tonnes.
Sur 100 kilos de machefer, en moyenne un kilo de métal non ferreux (aluminium, cuivre ou zinc) peut encore être extrait, contre un peu moins de 10 kilos d'acier, explique à l'AFP un spécialiste du sujet qui requiert l'anonymat.
Le reste est utilisé comme remblai dans les travaux publics.
Avec l'envolée des prix des matières premières, les machefers deviennent un matériau convoité et le secteur
"subit beaucoup de vols",
affirme la même source, "parfois directement dans les centres de tri".
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