Le racisme ne cesse de gangréner la Cinquième République française.
Défendre la laïcité et la réglementation en s'appuyant sur l'idée de la séparation de l'Église et de l'État s'est depuis longtemps transformé en paternalisme post-colonial.
Elle démontre, d'une part, l'attitude colonialiste des hommes blancs qui sauvent les femmes de couleur de l'emprise des hommes de couleur, ainsi que le décrit Gayatri Chakravorty Spivak dans sa célèbre description du complexe de supériorité des colonisateurs européens.
Elle démontre par ailleurs la problématisation permanente des espaces qui ne sont pas efficacement réglementés par le régime post-colonial. La Banlieue - les espaces urbains pauvres où vivent les personnes de couleur et en particulier de nombreux musulmans - est depuis longtemps fortement politisée, considérée comme le ghetto de la république laïque, un ghetto culturel qui doit être contrôlé et où les Noirs et les Bruns n'ont pas droit à la dignité.
Depuis le coup d'envoi de la nouvelle année scolaire, des vidéos ont été diffusées dans le monde entier, montrant que le personnel de sécurité vérifie les vêtements de toutes les étudiantes. Des vidéos postées sur les médias sociaux montrent des jeunes femmes qui enlèvent leurs vêtements larges, appelés abayas, à la suite de contrôles disciplinaires de la part de la police.
Si l'abaya est généralement une robe ample et longue portée par certaines femmes musulmanes et qui témoigne de leur pudeur, il n'est pas facile de définir quels vêtements remplissent les critères d'une abaya et lesquels ne les remplissent pas. De plus, l'abaya n'est pas à proprement parler un vêtement spécifiquement religieux. Dès lors, cette restriction peut se lire comme une mesure de plus qui révèle la racisation du corps des musulmans.
Le gouvernement français a fait de l'abaya une question non seulement religieuse, mais aussi politique, alors même que seules quelques centaines de filles semblent s'être rendues à l'école avec leur abaya et avoir été renvoyées chez elles, ce qui leur a permis de protester contre la politique discriminatoire et de faire de la désobéissance civile un acte de nature politique.
Il s'agit en réalité d'un pas de plus vers un contrôle accru des minorités en France. Lorsque le gouvernement français a annoncé que 14 000 éducateurs occupant des postes de direction seraient formés d'ici la fin de l'année et que 300 000 personnes seraient formées d'ici 2025 pour mettre en œuvre et contrôler la réglementation, ce que ce gouvernement laisse transparaître, c'est qu'il limite davantage la liberté de mouvement des femmes musulmanes et qu'il renforce l'autoritarisme de l'État.
Alors que les partis d'opposition français, du parti conservateur Les Républicains (LR) à l'extrême droite d'Éric Zemmour, applaudissent le nouveau coup d'éclat du gouvernement, avec une faible opposition de la gauche comme La France Insoumise (qui critique la mesure comme une police vestimentaire), certaines voix étrangères ont exprimé des critiques.
L'USCIRF affirme que les actions de la France sont en contradiction directe avec l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH), tous deux garantissant la liberté religieuse à toute personne, y compris la liberté de manifester ses croyances religieuses par le biais de symboles ou de vêtements.
Par ailleurs, les recours en justice pourraient être l'option la plus efficace pour contrecarrer l'interdiction, compte tenu de la vision hostile à l'islam de l'actuelle classe politique française.
L'interdiction de l'abaya en France a déjà été contestée par des groupes de défense des droits des musulmans devant le Conseil d'État, sur la base de différentes considérations juridiques. Il reste à attendre pour voir jusqu'à quel point l'islamophobie gangrène le système judiciaire français.