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Les opposants critiquent une justice politisée en Inde

L'opposition accuse le gouvernement indien d'utiliser les forces de l'ordre pour cibler ses ennemis politiques, après l'arrestation d'un opposant quelques minutes après sa démission de son poste de chef de gouvernement d'un des États indiens.

18:46 - 2/02/2024 Cuma
MAJ: 19:32 - 2/02/2024 Cuma
AFP
L'ancien ministre en chef de l'État indien du Jharkhand, Hemant Soren fait des gestes alors qu'il est présenté devant le tribunal de la loi sur la prévention du blanchiment d'argent (PMLA) par la Direction de l'exécution (ED) à la suite de son arrestation à Ranchi le 1er février 2024.
Crédit Photo : AFP /
L'ancien ministre en chef de l'État indien du Jharkhand, Hemant Soren fait des gestes alors qu'il est présenté devant le tribunal de la loi sur la prévention du blanchiment d'argent (PMLA) par la Direction de l'exécution (ED) à la suite de son arrestation à Ranchi le 1er février 2024.

Hemant Soren dirige un des nombreux partis d'opposition qui se sont alliés pour défier le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP) du Premier ministre Narendra Modi lors des élections générales de cette année.


Il a pris mercredi ses fonctions à la tête du Jharkhand, un État qui compte près de 40 millions d'habitants. Mais, le soir même, il a démissionné et été arrêté dans la foulée, accusé d'avoir facilité une vente illégale de terrain.

Jagdeep Chhokar, cofondateur de l'Association pour les réformes démocratiques, organisme de surveillance local de la transparence, a déclaré que la culpabilité ou l'innocence de Soren était secondaire par rapport à son statut d'opposant au parti au pouvoir.


"Aucun homme politique n'est irréprochable"
, a-t-il déclaré à l'AFP.
"Mais il ressort clairement de ce qui se passe que les dirigeants de l'opposition sont menacés par les forces de l'ordre."

La détention de Soren était la première arrestation d'un chef de gouvernement local depuis plus d'une décennie, mais il n'est que le dernier homme politique en date à faire l'objet d'enquêtes criminelles et d'accusations depuis l'arrivée au pouvoir de Modi en 2014.

Le chef de la formation d'opposition, le parti du Congrès, Rahul Gandhi, descendant de la dynastie qui a dominé la politique indienne pendant des décennies, a été reconnu coupable de diffamation l'an dernier à la suite d'une plainte déposée par un membre du parti de Modi.


Il avait été démis de son mandat de député jusqu'à ce que le verdict soit suspendu par la Cour suprême mais cette sanction avait suscité des inquiétudes quant aux normes démocratiques dans le pays le plus peuplé du monde.


Arvind Kejriwal, chef du parti Aam Aadmi, autre membre de l'alliance d'opposition, et également chef du gouvernement de la région de la capitale Delhi, a été convoqué à plusieurs reprises par les enquêteurs suite à des allégations de corruption dans l'attribution de permis d'alcool.


Mais Mmhonlumo Kikon, porte-parole du parti de Modi, a déclaré à l'AFP que les forces de l'ordre agissaient de manière indépendante. "Le BJP n'interfère en aucune façon", a-t-il déclaré.


"Preuves sélectives"

Hemant Soren a été arrêté après une enquête d'un an au cours de laquelle il a clamé son innocence et accusé le BJP d'avoir utilisé les enquêteurs pour le mettre à l'écart.
"Je ne m'inclinerai pas"
, a-t-il déclaré mercredi dans un message vidéo enregistré avant son arrestation.
"La vérité prévaudra"
.

Les détails des preuves contre Soren n'ont pas encore été révélés. Les médias locaux ont rapporté que les enquêteurs avaient perquisitionné sa résidence plus tôt cette semaine et saisi deux voitures de luxe et plus de 40.000 dollars en espèces.

La principale agence indienne d'enquête financière, l'Enforcement Directorate, mène actuellement des enquêtes contre au moins quatre chefs de gouvernement ou leurs familles, qui appartiennent tous à des formations politiques opposées au BJP.


Mais d'autres enquêtes ont été abandonnées contre d'anciens rivaux qui avaient rejoint le BJP. Himanta Biswa Sarma, l'actuel chef de gouvernement de l'Assam, dans le nord-est, a été accusé d'avoir participé à une escroquerie pyramidale, mais n'a pas été interrogé depuis qu'il a rejoint le BJP il y a huit ans.


De même, l'ancien chef de gouvernement du Maharashtra, Narayan Rane, a été soupçonné de blanchiment d'argent mais n'a pas été convoqué par les enquêteurs depuis la fusion de son parti avec le BJP en 2019.


Un autre député du parti au pouvoir dans le même État, accusé par ses opposants de malversations, a déclaré à l'agence de presse indienne PTI que les enquêteurs
"ne me poursuivront pas puisque je suis député du BJP"
.

"Utilisation abusive des forces de l'ordre"


Des entreprises de presse et des organisations à but non lucratif ont également fait l'objet d'enquêtes depuis que Modi a pris ses fonctions. L'an dernier, les autorités fiscales ont perquisitionné les bureaux de la BBC et saisi des appareils électroniques après que la chaîne britannique a diffusé un documentaire enquêtant sur le rôle de Modi dans les émeutes religieuses de 2002, alors qu'il était chef du gouvernement de l'État du Gujarat.


Vendredi, les enquêteurs du bureau des enquêtes criminelles (CBI, Criminal Bureau of Investigation) ont perquisitionné le domicile à New Delhi du directeur d'une ONG, Harsh Mander, qui critique régulièrement Modi dans les journaux.

Amnesty International a suspendu ses opérations en Inde après des perquisitions et le gel de ses comptes bancaires en 2018 par la Direction de l'application des peines. Le CBI et l'Enforcement Directorate n'ont pas répondu vendredi aux demandes de commentaires de l'AFP.


Le président d'Amnesty Inde, Aakar Patel, a déclaré que depuis l'élection de Modi, le gouvernement avait régulièrement utilisé "abusivement" des forces de l'ordre.
"Clairement, leur cible sont les partis non-BJP et la société civile"
, a-t-il jugé.

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