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France / Interdiction de l’abaya: les élèves face à "une police du vêtement"

L’annonce faite dimanche soir par le ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal, de l’interdiction du port de l’abaya en milieu scolaire, n’en finit plus d’inquiéter les principales concernées.

15:49 - 30/08/2023 mercredi
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Crédit Photo: Nicolas TUCAT / AFP
Crédit Photo: Nicolas TUCAT / AFP

Face à cette nouvelle restriction, de nombreuses élèves sont aujourd’hui inquiètes de se retrouver, à la rentrée, soumise à l’arbitraire, sous couvert de laïcité.


Certaines d’entre elles, ont accepté de livrer leur témoignage à Anadolu, sous couvert d'anonymat.


"Personnellement, je ne souhaite pas montrer mon visage ou parler à un média si ce n’est pas anonyme, parce que je sais très bien que la première qui parlera à visage découvert va incarner la problématique et ne pourra plus s’en défaire. En gros je ne veux pas devenir le visage de l’abaya"
se justifie Kenza, tout juste 18 ans.

Scolarisée dans les Alpes-Maritimes, la jeune fille explique avoir
"souvent porté des abayas au lycée, surtout pendant les beaux jours parce que c’est vraiment confortable",
mais précise que la plupart du temps
"les robes longues"
qu’elle porte,
"sont achetées dans des magasins classiques comme Zara ou H&M".

Elle s’inquiète désormais d’être
"soumise à une police du vêtement à l’entrée du lycée"
et se demande comment
"le corps éducatif va trier les robes qui seront considérées comme des abayas et celles qui seront autorisées".

"J’ai bien peur que ce tri se fasse à la tête du client et que les établissements commencent à s’adonner à un profilage ethnique et religieux avec les élèves musulmanes qui ne pourraient plus venir en robe longue, et les autres qui pourraient les porter librement"
grince Kenza.

L’inquiétude est similaire chez Léa, convertie à l’Islam depuis ses 15 ans et qui fera sa rentrée en terminale la semaine prochaine.

La jeune femme, blonde aux yeux clairs, pense qu’elle aura
"un privilège tant que personne ne soupçonne (son) appartenance religieuse".

"En fait d’après ce que je comprends des propos du ministre, c’est clairement les élèves musulmanes qui vont être visées parce qu’il met ça sur le dos de la laïcité"
note Léa, pour qui
"la porte aux injustices et à l’arbitraire va inévitablement s’ouvrir".

Mais dans les faits, si dans certains établissements, le port de l’abaya a déjà fait polémique sur l’année scolaire qui s’est écoulée, jusqu’à être comptabilisé comme
"atteinte à la laïcité"
par les services de l’Etat, ce n’est pas le cas partout.
Scolarisée dans le Vaucluse, Naïma, assure à Anadolu, n’avoir
"jamais eu de soucis à cause d’une abaya portée en classe".

"C’est juste une robe qui nous permet d’être à l’aise. Ça n’a rien à voir avec la religion donc dans mon lycée on a eu de la chance, personne n’a jamais rien dit",
fait savoir l’élève de première.

Mais cette dernière craint désormais que cette interdiction, édictée par Gabriel Attal, ne vienne changer la donne et susciter des tensions.


Naïma se demande
"comment est-ce que les chefs d’établissements vont justifier qu’ils nous empêchent de porter des robes amples, alors qu’on en avait parfaitement le droit l’an dernier sans que ça ne génère jamais aucun problème ni aucun incident".

Du côté de la gauche, le groupe parlementaire LFI (la France insoumise) s’est érigé, vent debout contre cette interdiction, qu’il juge
"anticonstitutionnelle",
comme l’a déclaré à Anadolu, le député Carlos Martens Bilongo au cours d’une interview.

Le coordinateur du parti, Manuel Bompard, a pour sa part fait savoir que le LFI allait prochainement saisir le Conseil d’Etat pour statuer sur cette décision unilatérale de l’Exécutif. La plus haute juridiction administrative du pays pourrait ainsi avoir à se prononcer, dans les prochaines semaines, sur la légalité, ou non, d’une telle interdiction, sous couvert de laïcité.


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