La foule s’écarte à son passage. Les percussions et les sifflets retentissent. Des cris accompagnent son entrée en scène. Ce soir, la ville de Janjanbureh, dans l’est de la Gambie, fait une ovation à son icône locale à qui elle dédie son festival annuel.
La rockstar du jour n’est pas celle que l’on croit. Un homme fait son apparition. Une coiffe cache entièrement son visage. Son corps est enveloppé dans une écorce. De ses bras et ses jambes pendent des feuilles qui lui donnent l’apparence d’une créature forestière sortie d’un conte fantastique.
Des machettes aux mains, il avance, fait peur aux femmes et hurle à l'approche des enfants. Comme pris par une transe, il entame des pas de danse à une vitesse frénétique, s’arrête, balance ses bras d’une manière inquiétante.
Cette émanation des esprits sylvestres porte le nom de Kankurang, une figure mythique de la société mandingue chargée d’éloigner les mauvais esprits des jeunes hommes initiés, de faire régner l’ordre et la justice et de renforcer la cohésion de la communauté.
Patrimoine mondial
Leurs rites initiatiques sont associés aux cérémonies de circoncision, durant lesquelles les jeunes hommes apprennent les règles qui garantissent la cohésion du groupe, les plantes médicinales et les techniques de chasse. Ils sont encore suivis dans certaines régions de Gambie, de Guinée-Bissau et dans le sud du Sénégal, notamment près de Mbour et en Casamance.
Depuis 2018, le festival annuel de Janjanbureh, à environ 250 kilomètres à l’est de Banjul, cherche à donner un nouveau souffle à cet héritage, explique son directeur, Muhammed Sardykhan.
Le vendredi soir, à la lueur de la lune et de quelques projecteurs, des Kankurangs de toute la sous-région défilent devant des centaines de spectateurs qui font cercle sous un vieux baobab sacré.
Le lendemain, ils déambulent en ville sous le regard ahuri et souvent apeuré de jeunes enfants qui fuient à leur approche. Les femmes non plus ne peuvent les approcher de trop près.
Tradition menacée
Lamin Jarjou, la quarantaine, ne voulait surtout pas rater ce festival. Pour lui, c’est une manière de faire vivre cette tradition qu’il pense menacée.
James Goswell, 35 ans, avec son bonnet aux couleurs de la Jamaïque, en profite pour vendre quelques objets traditionnels et souvenirs : Kankurangs miniatures, savons, tee-shirts… Pour lui, le festival est une chance de se faire un peu d’argent dans un quotidien qu’il dit difficile.
Mais le festival est une chance de montrer que sa ville, avec un riche héritage, est pleine de ressources et attractive, dit-elle.