La Türkiye entretient des liens historiques et culturels profonds avec les pays du Caucase, une relation renforcée par l'héritage de l'Empire ottoman. Ces liens sont enracinés dans la similitude linguistique et ethnique entre les peuples turcs et les populations caucasiennes, et ils servent de base historique solide à la stratégie caucasienne de la Turquie. En effet, l'Empire ottoman a régné à une époque sur une partie de l'actuelle Géorgie, a brièvement inclus l'Azerbaïdjan dans ses provinces, et son engagement dans la région découle d'un siècle de conflits armés contre la Russie, la principale puissance du Caucase.
En tant qu'État turc et musulman, l'Empire ottoman a accueilli un grand nombre de migrants musulmans originaires du Caucase au XIXe siècle, appelés "muhacir", qui ont fui l'avancée russe. Parmi ces migrants, on comptait les Tcherkesses, les Ingouches, les Tatares, les Géorgiens musulmans, entre autres. Il est difficile d'estimer avec précision le poids démographique de ces descendants de "muhacir" en Türkiye aujourd'hui, mais on peut affirmer qu'il y aurait environ 3 millions de Turcs d'origine tcherkesse, 3 millions d'origine tatare, 1 million d'origine géorgienne, et 600 000 d'origine abkhaze.
La Türkiye poursuit plusieurs objectifs stratégiques dans la région caucasienne, dont le projet Turan, qui vise l'unification des États turciques et occupe une place prépondérante dans sa stratégie. D'une part, la Türkiye cherche à promouvoir la stabilité politique et économique dans les pays voisins, car cela contribue à la sécurité régionale et à l'économie turque. La victoire azerbaïdjanaise dans le Karabagh a renforcé cette stabilité et a consolidé la position de la Türkiye en tant qu'acteur clé dans la région. D'autre part, le Caucase, en tant que pont entre l'Asie centrale et la Türkiye, revêt une importance capitale pour les liens commerciaux turcs avec les pays caucasiens, en particulier dans le secteur de l'énergie, où la Türkiye aspire à jouer un rôle clé en tant que passerelle pour les ressources de la mer Caspienne vers les marchés européens.
De plus, la création de l'Organisation des États turciques, une organisation internationale regroupant les États de langues turciques, a considérablement renforcé l'influence d'Ankara chez ses voisins d'Asie centrale, tant sur le plan politique que culturel et économique. Cette organisation offre également une alternative aux États d'Asie centrale, coincés entre les intérêts géopolitiques de la Russie et de la Chine.
Sans entrer dans les détails des initiatives déployées par la Türkiye pour concrétiser ses objectifs en matière de stratégie caucasienne, sa participation à la victoire azerbaïdjanaise dans le Karabagh tout en adoptant une posture de médiateur dans le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, compte parmi ses actions les plus visibles. Face à une situation délicate marquée par la guerre à ses frontières, la Türkiye est sortie renforcée en tant qu'acteur majeur de la région. Cette médiation a été d'autant plus efficace grâce à la victoire azerbaïdjanaise dans le Karabagh, qui a redéfini l'équilibre des forces dans la région et permis de faire respecter le droit international qui était bafoué jusqu'alors.
En conclusion, il est clair que la politique caucasienne de la Turquie joue un rôle déterminant dans l'avenir du pays en tant que nation puissante et influente.
David Bizet