Un ancien haut fonctionnaire de l'Onu qualifie la situation à Gaza de "génocide"

10:0612/11/2023, Pazar
MAJ: 12/11/2023, Pazar
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Crédit Photo: Mahmud HAMS / AFP
Crédit Photo: Mahmud HAMS / AFP

Craig Mokhiber, ancien haut fonctionnaire des Nations unies, a qualifié la situation actuelle à Gaza de "génocide", expliquant et étayant son analyse en se référant à "de nombreuses actions spécifiques" décrites dans la Convention des Nations unies sur le génocide.

Ancien directeur du bureau de New York du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, il a démissionné de son poste la semaine dernière en réaction à ce qu'il a perçu comme étant une réaction timide de la part de l'Onu au sujet du conflit en cours à Gaza.


Interviewé par Anadolu, il a préconisé une position plus ferme, notamment vis-à-vis de pays influents tels qu'Israël et les États-Unis, malgré les pressions potentielles des lobbies.


Craig Mokhiber a insisté sur la nécessité de
"dire la vérité"
et a indiqué son intention de quitter définitivement l'organisation si celle-ci n'adoptait pas une approche plus ferme.
Suite à l'escalade de la violence à Gaza en octobre, il a écrit une lettre détaillée critiquant la communauté internationale et l'approche de l'Onu en matière des droits de l'homme en Palestine, appelant à un changement de stratégie.

La lettre a ensuite été divulguée et a fait l'objet d'une large diffusion, ce qui a conduit à sa démission après 32 ans de service au sein de l'organisation.


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Preuve évidente d'une "intention génocidaire"


Craig Mokhiber a qualifié la situation à Gaza de
"génocide"
, soulignant plusieurs aspects qui, selon lui, justifient cette qualification. Selon ce diplomate qui a été conseiller principal en matière de droits humains dans les Territoires palestiniens, en Afghanistan et au Soudan, un
"bon nombre des actions spécifiques"
énumérées dans la Convention sur le génocide, telles que les
"massacres"
et les
"atteintes graves, y compris les atteintes à l'intégrité physique"
, étaient évidentes à Gaza et en Palestine.

"C'est évident, car nous avons, depuis de très nombreuses années, un blocus et un siège total de Gaza, qui sont spécifiquement conçus pour empêcher les habitants de Gaza d'avoir de la nourriture, des médicaments, de l'eau, des installations sanitaires, des soins de santé, la liberté de mouvement - toutes les choses qui sont nécessaires à une vie décente"
, a déclaré Craig Mokhiber.

Dans ses observations, Craig Mokhiber a souligné la rareté des preuves évidentes de
"l'intention génocidaire"
, qui est souvent l'élément le plus difficile à prouver.

Le cas de Gaza est une situation inhabituelle, selon lui.


"L'atmosphère d'impunité qui règne autour d'Israël est telle, que des dirigeants israéliens de haut rang ont exprimé publiquement et ouvertement leur intention de commettre un génocide. Le président, le Premier ministre, des ministres du gouvernement, des hauts responsables militaires et des groupes de réflexion associés au gouvernement israélien ont ainsi fait des déclarations d'intention génocidaire"
, a-t-il noté.

Faisant référence aux événements survenus depuis 1948, tels que la Nakba et les
"purges ethniques continues des Palestiniens d'Israël et des territoires occupés"
, Craig Mokhiber a souligné l'importance de comprendre le contexte historique.

"Compte tenu de tous ces facteurs, il y a au moins un cas apparent de génocide qui s'est produit ici. La communauté internationale a clairement l'obligation d'agir en conséquence en réponse à ces conclusions"
, a poursuivi Mokhiber.

La complicité des États-Unis et de l'Occident


Interrogé sur ses propos décrivant la situation en Palestine comme un projet colonial européen ethno-nationaliste, Mokhiber a affirmé :
"Ce ne serait pas la première fois que l'Occident soit impliqué dans le colonialisme de peuplement. C'est quelque chose qui s'est développé à partir de l'Occident. Nous avons été témoins d'une complicité active, car pendant que ces attaques ont lieu, nous avons vu les États-Unis financer, armer, fournir un soutien en matière de renseignement, assurer une couverture diplomatique et même opposer leur veto au Conseil de sécurité afin de faciliter les actions israéliennes à Gaza."

Et le diplomate d'ajouter :
"Il s'agit d'une complicité en termes juridiques dont les États-Unis sont également responsables. L'Occident est donc bel et bien impliqué. Nous l'avons vu avec les États-Unis, le Royaume-Uni, un certain nombre de gouvernements européens, de manière assez choquante, qui non seulement ont soutenu les actions d'Israël, mais ont également réprimé la dissidence dans leur propre pays en interdisant les manifestations visant à défendre les droits de l'homme des Palestiniens et à demander des comptes pour les violations commises par les Israéliens. Cette combinaison de facteurs me fait dire qu'un certain nombre de ces pays occidentaux sont en fait complices."

"La perpétuation de la Nakba"


À la question de savoir s'il pense que la situation à Gaza pourrait évoluer vers une nouvelle Nakba, Craig Mokhiber a soutenu qu'il s'agit de la même Nakba.


Il considère les événements actuels comme faisant partie d'une série constante de
"purges ethniques successives du peuple palestinien"
, qui a commencé avec la Nakba et s'est ensuite étendue à diverses régions, y compris Jérusalem et la Cisjordanie.

"Et puis, bien sûr, la purge massive du nord de la bande de Gaza et au-delà est une indication sur la poursuite de la Nakba et du nettoyage ethnique. Et comme je l'ai dit, cela fait partie du génocide en cours"
, a-t-il ajouté.

La Nakba, qui signifie
"catastrophe"
en arabe, fait référence au déplacement massif et à la dépossession des Palestiniens pendant la guerre israélo-arabe de 1948.

Concernant la politique israélienne en Cisjordanie et les colons, Craig Mokhiber a indiqué que l'intention d'Israël est de s'approprier toute la Palestine historique.


"La purge de ces villages supplémentaires en Cisjordanie est une continuation de la confiscation du territoire palestinien qui se poursuit depuis très longtemps"
, a-t-il déclaré.

Craig Mokhiber considère par ailleurs que l'idée d'une solution à deux États est
"une absurdité"
, faisant référence à la cartographie actuelle de la Cisjordanie et affirmant qu'il ne reste plus rien pour un État palestinien durable dans cette région.

"Je pense donc que l'intention est très claire. Il s'agit de poursuivre ce projet ethno-nationaliste de colonisation et de remplacer la population palestinienne autochtone par des colons israéliens, dans toute la bande de Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem"
, a-t-il dit.

L'ONU a "l'obligation de résister" aux pressions


Craig Mokhiber a critiqué les dirigeants politiques de l'Onu et les organes intergouvernementaux tels que le Conseil de sécurité pour leurs manquements dans deux domaines clés.

Selon lui, ils
"se sont laissés intimider par les fortes exigences des États occidentaux"
, notamment des États-Unis, du Royaume-Uni et de certains pays européens.

En outre, Craig Mokhiber a souligné l'influence des groupes de pression israéliens, qu'il a accusés non seulement de promouvoir
"l'impunité du gouvernement israélien"
, mais aussi de
"salir les défenseurs des droits de l'homme des Nations unies".

Craig Mokhiber a affirmé que l'ONU avait
"l'obligation de résister"
à ces pressions plutôt que d'y céder, estimant que le fait de céder à ces influences a
"affaibli la position de l'organisation".

"À partir du processus d'Oslo, il y a 30 ans, les Nations unies ont abandonné l'ancienne approche consistant à se concentrer sur le droit international, les droits de l'homme internationaux et l'égalité entre Israël et la Palestine"
, a-t-il poursuivi.

Le deux poids, deux mesures à la CPI


Concernant la réaction rapide de la Cour pénale internationale (CPI) aux actions de la Russie dans la guerre en Ukraine et son absence face aux attaques israéliennes contre les Palestiniens, Craig Mokhiber a fait remarquer que
"la pression extérieure exercée par des États occidentaux puissants et des groupes de pression"
a conduit à une politique de deux poids, deux mesures au sein de la CPI, en particulier au sein du bureau du procureur.

Mokhiber a insisté sur cette disparité en comparant
"la rapidité avec laquelle (la CPI) a répondu aux appels à l'action concernant l'Ukraine"
à
"la lenteur du procureur de la Cour depuis de nombreuses années"
concernant
"les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité en Palestine".

Il a toutefois exprimé son soutien à la CPI, reconnaissant sa nécessité mais aussi le fait qu'elle
"a un long chemin à parcourir"
pour démontrer son engagement mondial en faveur de la justice.

"La Cour pénale internationale a encore un long chemin à parcourir avant de prouver au monde qu'il ne s'agit pas d'un mécanisme mis en place pour juger des personnes en Afrique, qu'il s'agit en fait d'une Cour pénale internationale qui se consacre à un régime mondial de droit pénal international et qu'elle est prête à demander des comptes aux auteurs de crimes occidentaux comme ceux d'Israël et à leurs complices"
, a-t-il soutenu.

Les attaques contre l'agence des Nations unies pour les réfugiés


Au sujet des attaques répétées d'Israël contre l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (Unrwa), Craig Mokhiber a indiqué que cette structure est attaquée parce qu'elle
"représente la possibilité de poursuivre la vie palestinienne indigène".

"Et je pense que c'est une menace pour le projet colonial des colons... L'Unrwa est une organisation extraordinaire qui est composée essentiellement d'employés réfugiés palestiniens. Sans l'Unrwa, il n'y aurait pas d'éducation sur les droits de l'homme auxquels tous les Palestiniens, comme le reste d'entre nous, ont droit. C'est l'Unrwa qui a permis à une grande partie de la société palestinienne de promouvoir et de célébrer sa culture"
, a-t-il conclu.

Plus de 100 employés de l'Unrwa ont été tués dans les frappes israéliennes sur Gaza jusqu'à présent.


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