La dernière fois qu'il a évoqué le FMI, le président tunisien a eu des mots cinglants. L'octroi par cette institution d'un crédit crucial pour la Tunisie, étranglée financièrement, paraît de plus en plus compromis, selon des économistes et des sources proches du dossier.
Malgré un premier feu vert de Washington en octobre dernier, les négociations avec Tunis pour un nouveau crédit du FMI de 1,9 milliard de dollars piétinent depuis fin 2022. Un accord apporterait une bouffée d'oxygène à un pays dont les difficultés croissantes inquiètent Europe et Etats-Unis, et déclencherait d'autres financements étrangers.
Mais Kais Saied s'oppose aux "diktats" du FMI que sont, à ses yeux, deux mesures prévues pour obtenir le crédit: une levée graduelle des subventions étatiques aux produits de base, surtout sur les carburants et la restructuration d'une centaine d'entreprises publiques criblées de dettes.
Avec une économie marquée par de faibles salaires, le pays a instauré dans les années 70 une "Caisse de compensation" à travers laquelle l'Etat achète des produits de première nécessité pour les réinjecter à bas prix sur le marché.
Depuis, il ne se passe plus rien.
Plus simple à dire qu'à réaliser: le déficit public (8% du PIB) provenait en totalité en 2022 des "compensations" étatiques, et aux deux tiers des subventions énergétiques après l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022 qui a fait flamber les cours du pétrole.
"Défaut ?"
Pour 2023, le pays peut faire face à des échéances estimées à 21 milliards de dinars dont 12 en devises (environ 4 mds EUR), grâce au tourisme, aux envois de la diaspora, aux exportations de phosphates et à la baisse du coût de l'énergie, selon les économistes.
Ces derniers mois ont déjà été marqués par des pénuries sporadiques de farine, de riz, de sucre ou d'essence, se traduisant par des rayons vides ou de longues queues devant certains magasins.
L'Etat ne peut pratiquement financer aucun nouvel investissement, ce qui condamne la Tunisie à stagner, avec une croissance faible (environ 2%) et un chômage supérieur à 15%.
Pour financer ses dépenses, il sollicite aussi de plus en plus les banques locales, minant leur réputation à l'international: quatre d'entre elles ont vu leur note dégradée en début d'année par l'agence Moody's.