"Gaza n'est plus Gaza", le récit d'un ministre palestinien pris au piège de la guerre

18:408/02/2024, jeudi
AFP
Le ministre palestinien de la culture, Atef Abu Saif, lors d'une interview dans son bureau à Ramallah en Palestine, le 06 février 2024
Crédit Photo : JAAFAR ASHTIYEH / AFP
Le ministre palestinien de la culture, Atef Abu Saif, lors d'une interview dans son bureau à Ramallah en Palestine, le 06 février 2024

Le ministre palestinien de la Culture, Atef Abou Seif, se trouvait dans la bande de Gaza le 7 octobre pour lancer la Journée du patrimoine palestinien lorsque la guerre entre Israël et la Palestine a éclaté. Il y est resté coincé 90 jours.

Aujourd'hui de retour en Palestine occupée, il a décrit dans un entretien à l'AFP la situation dans le territoire palestinien dévasté.
"Gaza n'est plus Gaza"
, dit-il.

Le 7 octobre était la Journée du patrimoine palestinien, et le ministre avait voulu la célébrer à Gaza
"pour la première fois dans l'histoire",
raconte-t-il depuis son bureau à Ramallah, où siège l'Autorité palestinienne dans le territoire occupé depuis 1967.

La cérémonie était prévue ce matin-là au musée Al-Qarara à Khan Younès, dans le sud de Gaza.


En riposte, Israël a juré de
"détruire"
le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007, et a lancé une offensive qui a fait plus de 27.800 morts dans le territoire palestinien, en grande majorité des femmes, enfants et adolescents, selon le mouvement islamiste palestinien.

Guerre "hideuse"


Né à Gaza, Atef Abou Seif, 50 ans, raconte avoir passé les 48 premiers jours de la guerre avec son fils de 17 ans et des membres de sa famille dans le camp de réfugiés de Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza.


Mais leur maison a été touchée par une frappe qu'il impute à Israël, les obligeant à fuir, comme plus de la moitié des 2,4 millions d'habitants du territoire.

Ils se sont dirigés vers le sud, à Rafah, ville située à la frontière avec l'Égypte, que l'armée israélienne considère aujourd'hui comme la prochaine étape de sa campagne militaire.


De son séjour à Jabalia, en grande partie détruit, le ministre garde des souvenirs douloureux.


"Nous avons été choqués de découvrir que le corps qu'un ami avait sorti (des décombres) était celui de son fils de 16 ans"
, se rappelle-t-il
. "La guerre à Gaza est hideuse".

Atef Abou Seif dit être sorti de Gaza par le terminal de Rafah pour rentrer à Ramallah via la Jordanie, après 90 jours passés dans le territoire palestinien assiégé.

"Je ne peux pas imaginer à quoi ressemble maintenant mon quartier dans le camp de Jabalia"
, affirme-t-il, ajoutant que les Palestiniens mettent leurs peines de côté
"parce que la tristesse n'a plus de sens".

"Ecrire derrière les lignes"


Avant la guerre, le ministre avait l'habitude de se rendre à Gaza depuis Ramallah le jeudi pour retrouver ses amis.
"Aujourd'hui, près de la moitié d'entre eux ont été tués"
, assure-t-il, faisant état de
"plus de 100 membres de sa famille"
décédés.

Les samedis, il retrouvait souvent des amis au sein d'une association de journalistes de Gaza.

"Maintenant
(...)
il n'y a plus personne"
, tous ont été tués, dit-il.

Atef Abou Seif se dit
"terrifié"
à l'idée d'y retourner à la fin de la guerre, taraudé par une obsédante question:

Dans quel état vais-je retrouver Gaza?

Selon le ministère palestinien de la Culture, environ 24 instituts culturels et 195 bâtiments historiques, dont des mosquées et des églises, ont été endommagés ou totalement détruits par la guerre.


Des sites patrimoniaux tels que le musée Al-Qarara, qui était entouré de colonnes romaines vieilles de 5.000 ans, et un ancien port phénicien ont également été détruits, assure le Palestinien, critiquant au passage "le silence" de l'UNESCO.

À son retour en Palestine, le ministre a exhorté les auteurs et universitaires palestiniens vivant à Gaza à décrire leur quotidien. Il en a fait un livre intitulé "Writing Behind the Lines" ("Ecrire derrière les lignes", en français), qui contient les récits de 24 écrivains.


L'un de ces écrits, intitulé "L'âne du retour", raconte l'histoire des habitants de Gaza contraints d'utiliser des charrettes tirées par des ânes pour se déplacer dans un contexte de grave pénurie de carburant.


D'autres relatent les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes déplacées dans leur propre pays, intitulés "De la maison de ma grand-mère à la tente", "Sept fois déplacés" ou encore "Nous espérons survivre".


"Nous voulons que le monde entier les lises"
, dit Atef Abou Seif.

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