Dans son rapport annuel d'activité 2022, publié lundi 17 avril, la Défenseure des droits, Claire Hédon, alerte sur la "dégradation croissante de l’accès aux droits" en France, qui "porte atteinte à la cohésion sociale et au principe d’égalité".
"La protection de l’enfance est dans une situation extrêmement inquiétante"
Pour l'année 2022, la Défenseure des droits des enfants fait état de 3586 saisines évoquant des atteintes aux droits des enfants, soit une augmentation de 20 % par rapport à l'année précédente.
La Défenseure des droits décrit notamment un manque de places en foyer et d’assistants familiaux, des placements non exécutés, des mesures d’assistance éducative en milieu ouvert prises en charge dans des délais pouvant excéder 6 mois ainsi que des ruptures dans les parcours éducatifs des enfants.
L'Éducation, la petite enfance, la scolarité et le périscolaire concernent 30 % des saisines dans le domaine de l'enfance. La protection de l’enfance et des enfants représente 21 % des cas, 13 % pour la santé et les handicaps, 7 % pour la filiation et la justice familiale, 5 % pour les mineurs étrangers, 2 % pour la justice pénale et 0,3 % pour l'adoption et le recueil familial.
Un rapport plus détaillé sur la défense des droits des enfants devrait être publié au cours de l'année 2023.
Une "croissance alarmante" des atteintes aux droits fondamentaux des étrangers
Les saisines relatives aux titres de séjour constituent 70 % des saisines liées aux droits fondamentaux des étrangers, 7 % pour le regroupement familial, 5 % pour la naturalisation, 2 % pour l'état civil des étrangers, 2 % pour les visas et 1 % pour les autorisations de travail, ainsi que pour l'asile.
Les discriminations demeurent dans l’emploi et la vie quotidienne
Avec 6 545 réclamations relatives à des discriminations en 2022, la Défenseure des droits a vu, notamment par le biais de sa plateforme "antidiscriminations.fr" lancée en 2021, une augmentation de 26 % des saisines reçues entre 2020 et 2022.
L’emploi demeure, en 2022, le premier domaine de discriminations. De trop nombreuses réclamations parviennent encore à la Défenseure des droits, notamment de la part de femmes dont les contrats sont interrompus parce qu'elles sont enceintes. Malgré un cadre législatif protecteur et une jurisprudence bien établie, ces discriminations dans l’emploi fondées sur la grossesse restent encore trop fréquentes et inacceptables, selon la Défenseure des droits.
Les motifs des discriminations réelles et/ou ressenties sont diverses et nombreuses, selon le rapport de la Défenseure des droits.
Quelque 20 % des saisines concernent les handicaps des personnes, 18 % leurs origines ou leur nationalité, 11 % leur état de santé, 4 % leur sexe, 4 % leur âge, 3 % leur vulnérabilité économique, 3 % leurs activités syndicales, 3 % leurs convictions religieuses, 3 % leur situation de famille. Leur identité de genre, leur lieu de résidence, leur apparence physique et leur orientation sexuelle constituent 2 % chacun.
Parmi les domaines de discrimination, l'emploi privé (24 %) et public (17 %) représentent 41 % des saisines reçues. Les biens et services privés en constituent 15 %. L'éducation et la formation représentent 7 % alors que le logement et le service public en constituent 6 % chacun.
Respect de la déontologie par les forces de sécurité
Dans son communiqué de presse, la Défenseure des droits rappelle qu'elle est chargée de défendre les droits et les libertés individuelles, et qu'elle veille au respect de la déontologie par les forces de sécurité et notamment au caractère nécessaire et strictement proportionné de l’emploi de la force. Notant que les manquements à la déontologie altèrent la confiance pourtant indispensable entre les personnes et les forces de sécurité, la Défenseure des droits indique qu'elle a demandé cette année à la Cour des comptes une étude portant sur les contrôles d’identité.
Parmi les exemples cités dans le rapport, figurent notamment celui de plusieurs familles roms, dans le Nord, près de Lille. Elles occupaient un terrain municipal sur lequel elles s’étaient installées. Durant la trêve hivernale, elles ont été expulsées par des fonctionnaires de police et leurs cabanes ont été détruites par des agents municipaux à l’aide d’engins de chantier. Les familles expulsées ont saisi le Défenseur des droits.
Pour rappel, au cours des dernières semaines, l'opposition politique, des syndicats et des ONG de défense des droits et libertés ont sévèrement critiqué le recours excessif et arbitraire à la violence, exercé par les forces de l'ordre lors de la mobilisation contre la réforme des retraites ou la manifestation contre les méga-bassines à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) le 25 mars.
Dans son rapport de 105 pages, la Défenseure des droits a également rapporté un bond de 51 % des réclamations concernant l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte, passant de 89 à 134, notamment après la promulgation de la loi du 21 mars 2022 renforçant leur protection. Le rapport fait également état d'une détérioration de l’accès aux services publics. À ce titre, la Défenseure des droits déplore les suppressions d’effectifs dans les services publics, depuis de nombreuses années, qui ont un impact sur l’accueil et le service aux personnes.