Égypte, Qatar et Jordanie... Netanyahu engouffre Israël dans une crise régionale

19:1025/01/2024, jeudi
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Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu.
Crédit Photo : ABIR SULTAN / AFP / Archive
Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu.

Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a plongé son gouvernement au cœur d'une crise régionale, qui se traduit par des relations tendues avec l'Egypte, le Qatar et la Jordanie, en raison de sa politique qui, selon l'opposition, met "Israël en danger".

En l'espace de 24 heures, les crises de Netanyahu avec l'Égypte, le Qatar et la Jordanie ont fait la une de la presse israélienne.


Selon les médias israéliens et les déclarations du Qatar, le président égyptien Abdel Fattah Al-Sisi a refusé de répondre à une demande d'entretien téléphonique avec Netanyahu, tandis que le ministère qatari des Affaires étrangères l'a critiqué directement et publiquement, et que son gouvernement semblait menacer la Jordanie.

Le Qatar n'entretient pas de relations diplomatiques avec Israël, alors qu'un traité de paix a été signé par ce dernier avec l'Égypte en 1979 et avec la Jordanie en 1994.


L'Égypte


Mercredi soir, l'analyste politique israélien Itamar Eichner a révélé que
"Netanyahu a essayé de contacter Al-Sisi, mais sa demande a été rejetée".

Il a ajouté dans un article du journal Yedioth Ahronoth:
"Il semble que Netanyahu ait transmis la demande d'avoir un entretien téléphonique (avec Al-Sisi) par l'intermédiaire du Conseil national de sécurité, mais que les Égyptiens aient choisi de ne pas l'accepter".

Eichner a souligné que
"le bureau du Premier ministre a tenté de minimiser l'affaire, affirmant que cet entretien aurait lieu à une date ultérieure".

Cependant, ajoute-t-il,
"la dernière fois que les deux parties se sont parlées, c'était à l'été 2023, à la suite d'une attaque menée par un soldat égyptien, qui a entraîné la mort de trois soldats israéliens à la frontière".

"Indépendamment de cela, les deux pays communiquent régulièrement, de nombreuses délégations israéliennes s'étant rendues en Égypte ces dernières semaines, sur fond d'efforts de médiation égyptiens aux côtés du Qatar pour obtenir un accord sur la libération des prisonniers détenus à Gaza",
poursuit l'analyste.

Toutefois, Eichner estime que
"l'échec de la tentative d'entretien téléphonique de Netanyahu pourrait être lié aux récentes tensions avec la partie égyptienne, dont la colère s'est accrue suite aux déclarations israéliennes concernant l'axe de Philadelphie".

L'axe de Philadelphie est une étendue de terre le long de la frontière entre Gaza et l'Égypte.

Netanyahu a souligné à plusieurs reprises qu'il était nécessaire de le contrôler militairement. Israël a également affirmé devant la Cour internationale de justice que ce sont les Égyptiens qui font obstacle à l'acheminement de l'aide humanitaire dans le sud de la Bande de Gaza. Mercredi, dans un discours télévisé, Al-Sisi a répondu à ces allégations israéliennes en déclarant:


L'Égypte n'est pas la raison pour laquelle l'aide n'a pas été acheminée.

"Le point de passage de Rafah est ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, mais les mesures israéliennes perturbent l'arrivée de cette aide indispensable. Ce n'est pas une coïncidence. Il s'agit d'une tactique israélienne visant à accroître la pression (sur le Hamas) pour qu'il libère les prisonniers"
, a-t-il ajouté.

Diaa Rashwan, chef du service d'information d'État égyptien (public), a également mis en garde contre d'éventuelles répercussions sur les relations israélo-égyptiennes en cas d'action militaire à la frontière entre la Bande de Gaza et l'Égypte.

Et Eichner d'ajouter:
"Toute action israélienne dans ce sens nuira inévitablement aux relations bilatérales, et les mensonges d'Israël dans ce contexte visent à légitimer l'occupation, qui va directement à l'encontre des accords internationaux".

Pour sa part, le quotidien Maariv a déclaré, jeudi, que
"la guerre à Gaza place les relations israélo-égyptiennes face à des défis difficiles".

Le premier défi concerne les préoccupations de l'Égypte quant à l'afflux de Palestiniens de Gaza vers le Sinaï à travers la frontière, selon le journal, tandis que le deuxième concerne l'acheminement de l'aide humanitaire de l'Égypte vers Gaza à travers les points de passage de Rafah et de Kerem Shalom. Le troisième point de désaccord concerne le contrôle de l'axe de Philadelphie.


Qatar


Les crises politiques de Netanyahu ne s'arrêtent pas à l'Égypte, puisqu'un enregistrement a fuité mercredi, dans lequel Netanyahu critique le Qatar et les relations de Washington avec Doha.


La société israélienne de radiodiffusion (KAN) a indiqué, mercredi, que
"lors d'une séance à huis clos avec les familles des otages, Netanyahu a critiqué la médiation qatarie concernant le Hamas et l'incapacité des États-Unis à exercer des pressions sur le Qatar".

Cette critique a incité le Qatar à réagir vivement, comme l'a déclaré le porte-parole du ministère qatari des Affaires étrangères, Majid Al-Ansari:


Nous dénonçons fermement les déclarations attribuées au Premier ministre israélien dans divers médias au sujet de la médiation qatarie.

Il a ajouté sur la plateforme X, mercredi:
"Si ces déclarations venaient à être confirmées, elles sont irresponsables et entravent les efforts visant à sauver des vies innocentes, mais elles ne sont pas surprenantes"
.

Et d'ajouter que Netanyahu
"entrave et sape les efforts de médiation pour des raisons politiques étriquées, au lieu de donner la priorité au sauvetage de vies".

Les proches de Netanyahu ont tenté de rejeter la responsabilité de la fuite sur les familles des prisonniers israéliens détenus à Gaza, ce que les familles ont fermement démenti, appelant à
"mettre un terme à cette folie".

En réponse à ces accusations, les familles ont déclaré, jeudi, dans un communiqué:
"Toutes les conversations lors des entretiens avec le Premier ministre sont enregistrées par son bureau et ses collaborateurs présents à la réunion, et les téléphones des familles participant à la réunion ont été confisqués à l'entrée".

La décision concernant la fuite d'informations relatives à l'accord et à ses intermédiaires incombe au bureau du Premier ministre.

Jordanie


Les crises du Premier ministre avec l'Égypte et le Qatar n'ont pas été les dernières, elles ont également touché la Jordanie, avec en toile de fond le mécontentement de Netanyahu face aux déclarations de la reine Rania et du ministre des Affaires étrangères Ayman Safadi contre la guerre, ce qui a amené Tel-Aviv à menacer de ne pas prolonger l'accord sur l'eau avec Amman.


"Le ministère israélien de l'Énergie envisage de ne pas prolonger l'accord sur l'eau avec la Jordanie, en raison des déclarations anti-israéliennes qu'il a entendues de la part de hauts responsables du Royaume, menés par le ministre jordanien des Affaires étrangères Ayman Safadi, au sujet de la guerre à Gaza"
, a déclaré KAN, jeudi.

Il a souligné que
"dans le cadre de l'accord actuel sur l'eau (conclu en 2021), Israël transfère chaque année 100 millions de mètres cubes d'eau à la Jordanie, au lieu des 50 millions de mètres cubes d'eau prévus dans l'accord de paix entre les deux pays, en échange de la production d'électricité en Jordanie destinée à Israël".

"La décision finale à cet égard (ne pas prolonger l'accord sur l'eau) n'a pas encore été prise, et la question dépend du développement des relations avec la Jordanie et de la façon dont les Jordaniens exprimeront leur position à l'égard de la guerre dans un avenir proche"
, est-il estimé. Et KAN de préciser que
"si l'accord n'est pas prolongé, il arrivera à expiration cette année".

Selon la société de radiodiffusion israélienne:
"Les déclarations extrémistes d'Al-Safadi contre Israël consistent notamment à dire que rien ne justifie la guerre à Gaza, et que cette guerre n'est pas de l'autodéfense, mais plutôt une agression flagrante de la part d'Israël, et que la Jordanie fera tout ce qui est nécessaire pour empêcher le déplacement des Palestiniens".

KAN a souligné que
"Safadi a annoncé en novembre dernier la suspension de l'accord sur l'eau entre Israël et la Jordanie à la suite de la guerre (contre Gaza)".

Le ministre jordanien des Affaires étrangères avait alors déclaré:
"Nous ne pourrons pas maintenir l'accord énergie contre eau, parce qu'un ministre jordanien ne peut pas s'asseoir à côté d'un ministre israélien pour signer un accord, alors qu'ils tuent nos frères à Gaza",
mais aucune mesure concrète n'a été prise à cet égard.

KAN n'a pas mentionné les déclarations de la Reine Rania concernant la guerre israélienne contre Gaza, et aucun représentant de la Jordanie n'a fait de commentaire à ce sujet jusqu'à 9h30 (GMT).


Quant au site israélien Ynet, il a indiqué, jeudi, que, en pleine négociation pour la libération des prisonniers détenus à Gaza, Netanyahu se retrouve en porte-à-faux avec les deux médiateurs avec le Hamas (Qatar et Égypte), soulignant que les relations avec ces derniers sont
"extrêmement importantes pour la libération des prisonniers et la conclusion d'un accord, et ce, dans des conditions aussi mauvaises que possible pour Israël".

Relations avec Washington


Même en ce qui concerne les relations avec les États-Unis, Ynet souligne que
"de vives tensions entre Netanyahu et l'administration américaine ont été rapportées à plus d'une reprise".

Le site Internet a ajouté que, selon certaines informations, des proches du président américain Joe Biden lui ont récemment conseillé de désavouer Netanyahu et d'annoncer qu'il n'avait plus confiance en lui, estimant qu'il
"menait une guerre pour des raisons politiques".

"Depuis, Biden et Netanyahu se sont entretenus, mais cet entretien a immédiatement provoqué une nouvelle tempête liée à l'opposition de Netanyahu aux pressions américaines pour qu'il présente un plan visant à mettre fin à la guerre sur la base d'une solution à deux États"
, poursuit Ynet.

Et le site d'ajouter:
"À Washington, il a été rapporté que même les amis d'Israël au Congrès, y compris les députés républicains, sont frustrés par Netanyahu et craignent qu'il ne se laisse guider par des considérations politiques".

L'armée israélienne mène, depuis le 7 octobre 2023, une guerre dévastatrice contre la Bande de Gaza, qui a fait, selon le dernier bilan,
"25 700 morts et 63 740 blessés, pour la plupart des enfants et des femmes"
, selon les autorités palestiniennes, et causé
"des destructions massives et une catastrophe humanitaire sans précédent"
, selon les Nations Unies.

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