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Tunisie: L'impact économique de la fermeture de Ras Jedir

La fermeture du poste-frontière de Ras Jedir plonge la ville tunisienne de Ben Guerdane dans une crise économique, affectant des milliers de commerçants dépendants du commerce transfrontalier avec la Libye.

15:41 - 27/06/2024 jeudi
AFP
Des voitures circulent dans une rue près du marché libyen dans la ville de Ben Guerdane, dans le sud de la Tunisie, près de la frontière libyenne, le 26 juin 2024.
Crédit Photo : FATHI NASRI / AFP
Des voitures circulent dans une rue près du marché libyen dans la ville de Ben Guerdane, dans le sud de la Tunisie, près de la frontière libyenne, le 26 juin 2024.
"Toutes les boutiques ont dû fermer"
. À l'instar de milliers d'autres commerçants de la ville tunisienne de Ben Guerdane, qui vit du commerce avec la Libye, Abdallah Chniter voit ses affaires péricliter en raison de la fermeture du poste-frontière entre les deux pays.

Le poste-frontière de Ras Jedir, dans le sud tunisien, un important hub du commerce informel entre les deux pays, est fermé depuis le 19 mars à l'initiative de la Libye en raison de luttes sur son contrôle entre les autorités de Tripoli et des groupes armés.

Sa fermeture représente un coup de massue pour la ville de Ben Guerdane, située à une trentaine de kilomètres à l'ouest du point de passage et dont l'activité économique est largement dépendante du commerce transfrontalier et des trafics qui pullulent autour.


Cette ville de l'intérieur marginalisé de la Tunisie abrite en effet un vaste souk de pièces de rechange mécaniques, d'électroménager et de vêtements. Mais l'activité la plus lucrative est le commerce de carburants acheminés par contrebande de Libye et vendus deux fois moins cher que dans les stations-service en Tunisie.


"Ce poste-frontière est l'unique source de revenu pour les jeunes parce que l'État nous a abandonnés"
, peste Abdallah Chniter, 45 ans.
"L'État doit nous trouver des solutions parce que nous dépendons entièrement de la Libye".

La confusion autour d'une réouverture du poste-frontière, maintes fois annoncée par les autorités libyennes avant d'être reportée, accroît le désarroi des commerçants de Ben Guerdane.


Selon des chiffres tunisiens officiels, 3,4 millions de passagers ont traversé le poste-frontière de Ras Jedir dans les deux sens en 2023.

Les Libyens viennent en Tunisie essentiellement pour le tourisme ou pour des soins médicaux, alors que les Tunisiens font le voyage dans le sens inverse notamment pour le commerce.


Ben Guerdane: une ville dépendante du commerce transfrontalier


Les autorités tunisiennes ferment les yeux sur le commerce transfrontalier informel à Ben Guerdane, conscientes de son importance pour l'économie d'une région dont les plans de développement promis sont restés lettre morte.


Depuis la fermeture de Ras Jedir, cette région connaît une
"stagnation commerciale touchant environ 50.000 commerçants et leurs proches exerçant des activités en lien avec le poste-frontière. Aujourd'hui ils sont au chômage, ce qui est très regrettable"
, dit Mounir Gzam, président d'une association d'hommes d'affaires tunisiens et libyens à Médenine (sud).

Selon lui, Ben Guerdane est
"le cœur battant"
de l'économie dans le sud-est tunisien et un moteur d'investissement dans les gouvernorats proches, où le taux de chômage dépasse les 20%, alors que le taux moyen dans le pays était de 15,8% en 2023.

Le secteur du tourisme en Tunisie risque aussi de subir le contrecoup de cette fermeture en cette période estivale durant laquelle de nombreux Libyens affluent habituellement vers l'île tunisienne de Djerba, prévient-il.


Le dernier report de la réouverture du poste-frontière, qui était prévue lundi, est dû au blocage par des groupes armés dans la ville libyenne de Zouara de la route du littoral.

Ces groupes ont dressé des barrages de sable pour empêcher la circulation, en signe de protestation contre la décision du ministre libyen de l'Intérieur Imad Trabelsi de confier le contrôle et la gestion du poste-frontière à des agents des services de sécurité et des douanes.


"Nous ne laisserons pas nos frontières sans sécurité, comme nous ne resterons pas les bras croisés face aux trafics et au chaos"
, avait-il averti en mars, décrivant le poste-frontière de Ras Jedir comme
"l'un des plus grands points de contrebande et de criminalité au monde"
.

Des trafiquants, originaires notamment de la ville libyenne de Zouara, contrôlent en effet depuis des années le poste-frontière qu'ils considèrent comme leur chasse gardée et qui leur permet de se livrer à un commerce informel très lucratif.


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