Vote ou boycott? Campagne électorale au Tchad avant les législatives

11:0918/12/2024, Çarşamba
AFP
Un membre du Groupe de concertation des acteurs politiques (GCAP) distribue des tracts au marché Dembe pour promouvoir le boycott des élections législatives, communales et provinciales du Tchad à N'Djamena le 16 décembre 2024.
Crédit Photo : Joris Bolomey / AFP
Un membre du Groupe de concertation des acteurs politiques (GCAP) distribue des tracts au marché Dembe pour promouvoir le boycott des élections législatives, communales et provinciales du Tchad à N'Djamena le 16 décembre 2024.

Vote ou boycott ? La campagne électorale pour les élections législatives et locales prévues le 29 décembre au Tchad anime les rues de N'Djamena, entre spectacle festif pour le parti au pouvoir, porte-à-porte et visites de marchés pour ses opposants.

"Boycott ! Ne participez pas à cette mascarade",
lancent des militantes du Gcap (Groupe de concertation des acteurs politiques) en distribuant des prospectus barrés d'une croix rouge sur les vastes marchés de la capitale.

Une quinzaine de femmes en t-shirts blancs et casquettes blanches et vertes, aux couleurs de cette coalition de partis d'opposition, sillonnent en petits groupes les étals colorés.


Parmi elles, Florence Loardomdemadje, 46 ans, porte-parole des femmes du Gcap, appelle ses
"frères et sœurs"
à ne pas soutenir un
"coup d'État électoral"
afin de ne pas être
"floués par des dirigeants félons soutenus par des Tchadiens véreux".

Le Gcap avait déjà appelé au boycott lors du référendum constitutionnel organisé en décembre 2023, ainsi que pour l'élection présidentielle du 6 mai, remportée au premier tour par Mahamat Idriss Itno, trois ans après avoir été proclamé président par l'armée, à la suite du décès de son père tué par des rebelles.

"Ces élections n'ont pas été transparentes et sont illégitimes. C'est la même chose qui va à nouveau se produire"
, dénonce Florence Loardomdemadje, en accusant le gouvernement de ne pas écouter
"les cris des femmes et de la jeunesse".

"Présenter des candidats à cette élection perdue d'avance, c'est apporter une caution au pouvoir qui cherche à être légitimé",
estime Max Kemkoye, l'un des porte-parole du Gcap.

Dans la même optique, les Transformateurs, un autre parti d'opposition, dénoncent un nouveau "vol en règle" orchestré par une Agence nationale de gestion des élections (ANGE) qu'ils considèrent dévouée au pouvoir.


"Capacité de frappe"


À l'inverse des appels au boycott, les banderoles du Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir) flottent au-dessus des principaux axes goudronnés de la capitale et dans ses rues en terre battue.


Dans le troisième arrondissement, Abba Djida Mamar, 56 ans, mise sur une
"forte mobilisation"
le jour du scrutin. Il se dit
"très confiant"
quant à la conservation de son siège de député, qu'il occupe depuis 2011, date des dernières législatives.

Aucun doute pour lui :
"Les élections seront transparentes et c'est justement pour cela que nous déployons tant d'énergie pour la campagne".

"Aucun parti politique au Tchad ne peut prendre la majorité au MPS. Nous avons une base très solide et une capacité de frappe à tout moment, techniquement comme financièrement, pour faire campagne",
affirme ce chef d'entreprise spécialisé dans le transport de marchandises.

Ses équipes distribueront dans les prochains jours des casquettes, écharpes, porte-clés ou pin's à son effigie, ainsi que plus de 10 000 pagnes ornés du visage du chef de l'État, aux couleurs du parti.

Samedi, le MPS n'a pas lésiné sur les moyens pour organiser un grand meeting destiné à promouvoir ses candidats, dont la maire de N'Djamena, Bartchiret Fatimé Zara Hanana Douga. Cet événement, à grand renfort de spectacles de danse et de concerts, s’est tenu au stade de Sabangali et a attiré plus de 2 000 personnes, dont un bon nombre emmené en minibus depuis différents quartiers, notamment le neuvième arrondissement, l’un des plus pauvres de la capitale.


Cinéma et marina


Abba Djida Mamar mène également une campagne de terrain avec des promesses ciblées pour les habitants de sa circonscription. Il a lancé une opération porte-à-porte et prévoit de faire venir une niveleuse dans les rues les plus endommagées par les pluies.


Il évoque aussi des panneaux solaires et un meilleur accès à l’eau potable. Parmi ses ambitions figurent également la réhabilitation et la réouverture du cinéma Le Normandie, le seul de N'Djamena, et la transformation du canal des jardiniers en marina, à l'image de Dubaï.


De leur côté, les militants du Gcap dénoncent dans leur campagne de
"boycott actif"
le manque d'infrastructures, l'absence de routes, les coupures d'électricité, les difficultés d'accès à l'eau potable et la vie chère dans ce pays parmi les plus pauvres au monde.

Le jour du scrutin, l'opposition prévoit de
"déployer des observateurs devant les bureaux de vote"
et de
"multiplier les sources"
pour
"faire remonter en direct les preuves de participation".
Ces éléments seront transmis à la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples dans l'espoir d'obtenir l'annulation du scrutin.

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