Jérusalem: malgré les démolitions, des Palestiniens jurent de rester, "même sous un arbre"

La rédaction
11:4118/12/2024, Çarşamba
AFP
La famille Diab inspecte les décombres de leur maison après sa démolition par les forces israéliennes dans le quartier Al-Boustan de la ville de Silwan, à Jérusalem-Est annexée par Israël, le 16 décembre 2024.
Crédit Photo : AHMAD GHARABLI / AFP
La famille Diab inspecte les décombres de leur maison après sa démolition par les forces israéliennes dans le quartier Al-Boustan de la ville de Silwan, à Jérusalem-Est annexée par Israël, le 16 décembre 2024.

"Cette fois, ils m'ont épuisé". Le militant palestinien Fakhri Abou confesse son dépit dans les décombres de sa maison détruite à Jérusalem-Est, une partie de la ville occupée et annexée par Israël où les démolitions se multiplient depuis le 7 octobre 2023.

Sa maison à Al-Boustan, quartier du secteur de Silwan, au sud de la Vieille Ville, a été démolie pour la deuxième fois cette année par les autorités israéliennes, qui y voient une construction illégale.


"Ils veulent nous expulser du quartier"
, déclare à l'AFP cet homme de 62 ans, membre du comité de défense d'Al-Boustan.

Le 5 novembre, des bulldozers de la municipalité de Jérusalem ont rasé sept maisons palestiniennes, dont celle de M. Abou Diab. De plus, il a assuré:


Mais nous resterons à Al-Boustan, même dans une tente ou sous un arbre.

Jérusalem, ville sainte pour les trois monothéismes, est un enjeu central du conflit israélo-palestinien. Les tensions y sont permanentes, en particulier dans la partie orientale, à majorité palestinienne, occupée et annexée par Israël depuis 1967.

Israël considère Jérusalem-Est comme partie intégrante de sa capitale, tandis que les Palestiniens rêvent de faire de la ville la capitale de l'État indépendant et souverain auquel ils aspirent. L'ONU juge illégale l'annexion de Jérusalem-Est et ne reconnaît pas Jérusalem comme la capitale d'Israël.


"Né ici"


Les maisons rasées par les bulldozers à Al-Boustan ("Le Jardin" en arabe) font partie de quelque 115 logements que la municipalité de Jérusalem a décidé de démolir, conformément à un projet visant à lutter contre
"les constructions illégales, à permettre la construction de nouveaux bâtiments publics pour les habitants du quartier et à redonner à la plus grande partie du quartier sa vocation d'origine, à savoir un espace vert pour le bien-être du public"
.

Mais l'ONG pacifiste israélienne Ir Amim, qui lutte contre ces destructions, affirme que la désignation de zones comme parcs nationaux ou espaces publics est une pratique courante
"conçue pour expulser"
les Palestiniens de Jérusalem-Est
"tout en permettant la saisie de leurs terres au profit d'intérêts israéliens"
, dans le cadre d'une politique de judaïsation de la partie occupée de la ville dénoncée par de nombreux pays.

Jugées illégales par l'ONU au regard du droit international, comme toutes les colonies juives en territoire palestinien occupé, les implantations israéliennes à Silwan remontent à la décennie 1980.

Silwan commence au pied des murailles de la Vieille ville actuelle, à un endroit où la Bible situe la Cité du roi David après sa conquête de Jérusalem sur les Jébuséens.


Aujourd'hui, plusieurs centaines de colons y vivent au milieu de 50 000 Palestiniens. Leurs maisons se distinguent par des drapeaux israéliens flottant sur les toits et suspendus aux fenêtres, ainsi que par des caméras de sécurité.


La maison de M. Abou Diab a été démolie une première fois en février. Il l'a reconstruite, avant qu'elle ne soit de nouveau détruite en novembre.


"La maison d'origine a été construite dans les années 1950. Je suis né, j'ai grandi, je me suis marié et j'ai élevé mes enfants ici"
, dit le sexagénaire, qui vit désormais dans un préfabriqué, lui aussi menacé de démolition.

Refuge perdu


Lui et ses voisins ont rejeté une offre de la municipalité de s'installer à Beit Hanina, quartier majoritairement palestinien, annexé par Israël en 1967, mais beaucoup plus loin du cœur historique de la cité.


Omar Al-Rouwaïdi, 42 ans, et sans emploi fixe, se chauffe avec son fils autour d'un feu au milieu des décombres de la maison familiale, rasée par les bulldozers de la mairie.


"Environ 30 personnes parmi lesquelles 12 enfants sont maintenant sans abri".
"Nous nous battons devant les tribunaux depuis 2004 et avons dépensé des dizaines de milliers de shekels en vain"
, ajoute-t-il.

D'autres familles ayant reçu des ordres de démolition ont refusé de parler à l'AFP, invoquant la crainte de représailles.


Selon Ir Amim, les démolitions à Jérusalem-Est ont atteint des niveaux sans précédent depuis l'attaque du 7 octobre 2023 de janvier à novembre 2024, 154 maisons y ont ainsi été démolies.


Le 13 novembre, des bulldozers ont détruit le centre communautaire de l'association Al-Boustan, qui propose des activités culturelles, sportives et un soutien scolaire à quelque 1 500 habitants palestiniens du quartier, pour la plupart des adolescents.

Après sa démolition, la France, qui avait soutenu les activités de l'association, a demandé des explications aux autorités israéliennes.


"J'ai beaucoup pleuré"
, dit à l'AFP Kinda Baraka, une adolescente de 15 ans qui fréquentait l'association.
"J'ai eu l'impression d'avoir perdu mon refuge"
, dit-elle, et qu'
"après avoir démoli (le centre culturel), ils pouvaient tout aussi bien démolir ma maison".

À lire également:




#Jérusalem-Est
#Démolitions
#Palestiniens
#Al-Boustan
#Conflit israélo-palestinien
#Silwan
#Bulldozers
#ONU
#Expulsion
#Politique de judaïsation
#Droits humains
#Israël