Ismaïla Bâ, peintre en bâtiment, travaille avec d'autres ouvriers sur l'un des innombrables chantiers sur la corniche de Dakar, capitale en pleine mutation. Comme beaucoup, il se sent exclu de la transformation du Sénégal sous la présidence Macky Sall.
Ismaïla Bâ, qui vend du café et fait le coiffeur pour arrondir les fins de mois, fait partie de ces Sénégalais qui se croient à l'écart d'une croissance profitable à une minorité dont le niveau de vie tranche avec celui de la grande majorité.
Macky Sall quittera la présidence après l'élection du 24 mars. En 12 ans, il a changé le visage de ce pays de 18 millions d'habitants à coups de grands travaux menés par l'État et le privé, sénégalais ou étranger. Mais un Sénégalais sur trois au moins continue de vivre dans la pauvreté.
Le report de dernière minute de la présidentielle a encore accru la défiance entre une partie de la population et ses dirigeants.
Lui et ses partisans vantent son action de bâtisseur. A ce propos, M. Sall a déclaré:
Le pays dont j'ai hérité était véritablement vétuste mais il a connu en 12 ans une transformation structurelle.
Il a créé une ville nouvelle, Diamniadio, près de Dakar, vitrine d'un grand plan pluriannuel de développement. Il a à son actif un train rapide entre Dakar et sa banlieue, des aéroports, des autoroutes, des hôpitaux. Sa présidence a presque fait oublier les coupures d'électricité.
Les salaires ont augmenté ainsi que les aides destinées aux pauvres. La part de la population vivant sous le seuil de pauvreté a diminué de 5% entre 2011 et 2018/19, selon l'Agence nationale de la statistique (ANSD).
En attendant le pétrole
Mais elle reste estimée à 37,8%, dit l'ANSD. Les inégalités ont à peine diminué, dit-elle.
Le Sénégal sous Macky Sall a accusé le coup de chocs successifs, la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine, les restrictions à l'importation de céréales en provenance de la région ou du riz en provenance d'Inde. La croissance soutenue pendant des années a marqué le pas avant de reprendre, jusqu'à être projetée à un niveau inégalé de 9,2% en 2024 grâce aux premières retombées attendues de l'exploitation du pétrole et du gaz.
La dette, à 40% du PIB en 2012, en représentait 69,4% en décembre 2023.
L'économiste Cheikh Bamba Diagne objecte:
Macky Sall a choisi d'investir dans les infrastructures et a oublié la qualité de vie.
Malgré les dangers, des dizaines de milliers de Sénégalais, jeunes pour la plupart, ont pris des pirogues pour l'Europe en quête d'une vie meilleure ces dernières années.