Au Kenya, les abeilles comme solution au conflit entre éléphants et êtres humains

12:1821/11/2024, jeudi
AFP
Mwanajuma Kibula (à droite), 48 ans, est assistée par Loise Kawira (à gauche), apicultrice consultante et formatrice pour l'organisation de recherche et de conservation "Save the Elephants" près de la ville de Voi dans le comté de Taita Taventa le 30 octobre 2024.
Crédit Photo : Tony KARUMBA / AFP
Mwanajuma Kibula (à droite), 48 ans, est assistée par Loise Kawira (à gauche), apicultrice consultante et formatrice pour l'organisation de recherche et de conservation "Save the Elephants" près de la ville de Voi dans le comté de Taita Taventa le 30 octobre 2024.

"Avant, nous détestions vraiment les éléphants", reconnaît l'agricultrice kényane Charity Mwangome en prenant une pause à l'ombre d'un baobab. Pourtant, les abeilles, qui bourdonnent en arrière-plan, ont contribué à adoucir cette animosité.

Les éléphants avaient souvent détruit des mois de travail sur ses terres agricoles, situées entre deux parties du parc national de Tsavo. Adorés des touristes, qui représentent environ 10 % du PIB du Kenya, ils sont détestés par de nombreux agriculteurs, un secteur clé de l'économie.


Au Kenya, la protection des pachydermes a connu un succès retentissant: à Tsavo, leur population est passée d’environ 6 000 au milieu des années 1990 à près de 15 000 en 2021, selon le Kenya Wildlife Service (KWS).

Mais la population humaine s’est également accrue, empiétant sur les pâturages et les voies de migration des troupeaux. Ces affrontements représentent désormais la principale cause de mortalité des mammifères, d’après le KWS.


Mme Mwangome, qui n’a reçu aucune indemnisation pour la perte de ses récoltes, admet avoir ressenti une profonde colère envers les défenseurs de l’environnement.


Jusqu’à ce que l’association Save the Elephants lui propose une solution inattendue: repousser ces géants grâce à de minuscules bêtes, les abeilles africaines.


Des abeilles pour protéger les cultures


Aujourd’hui, des clôtures formées de ruches protègent plusieurs parcelles agricoles, dont celle de Mme Mwangome.


En haute saison, dans 86 % des cas, les éléphants évitent les fermes dotées de ces abeilles, selon une étude publiée le mois dernier.


Elle résume:


Les clôtures de ruches sont venues à notre secours.

Le grondement de 70 000 abeilles suffit à faire fuir un éléphant de six tonnes. Pourtant, Loise Kawira, consultante en apiculture pour Save the Elephants depuis 2021, manipule calmement une ruche pour montrer les rayons de cire et de miel.

Les parcelles de 49 agriculteurs soutenus par le projet sont entourées de 15 ruches connectées. Celles-ci, suspendues à un fil graissé à quelques mètres du sol, tremblent lorsqu’un éléphant affamé s’approche.


"Une fois que les éléphants entendent le bruit des abeilles et détectent leur odeur, ils s’enfuient",
explique Mme Kawira à l’AFP.

Défis et bénéfices


Bien que la méthode soit efficace, les sécheresses, exacerbées par le changement climatique, posent un défi.
"À cause de la chaleur et de la sécheresse, les abeilles se sont enfuies",
déplore Mme Kawira.

L’installation de ruches reste coûteuse, environ 150 000 shillings kényans (1 090 euros), un investissement hors de portée pour de nombreux agriculteurs. Toutefois, les promoteurs assurent qu’elle est moins chère que les clôtures électriques.

Quelques instants après l’arrivée de l’AFP à la ferme de Mwanajuma Kibula, située près d’un parc de Tsavo, une clôture de ruches a repoussé un éléphant. Le pachyderme de cinq tonnes, couvert de boue rouge, a rebroussé chemin après une tentative d’intrusion.


"Je sais que mes cultures sont protégées",
affirme Mme Kibula avec soulagement. À 48 ans, elle récolte également du miel deux fois par an, vendu à 450 shillings le pot (environ trois euros), ce qui lui permet de financer les frais de scolarité de ses enfants.

Des alternatives pour les plus démunis


D’autres agriculteurs, comme Hendrita Mwalada, 67 ans, restent vulnérables face aux pachydermes.
"Un éléphant a arraché mon toit, j’ai dû me cacher sous le lit",
raconte-t-elle, encore sous le choc.

Pour ceux qui ne peuvent se permettre des abeilles, Save the Elephants propose des solutions alternatives : clôtures en tôle qui claquent lorsqu’elles sont secouées ou chiffons imbibés de diesel ou de piment.


Mais cela ne suffit pas toujours.
"Chaque fois que mes cultures sont prêtes, les éléphants viennent et détruisent tout",
se désole Mme Mwalada.
"C’est l’histoire de ma vie, une vie pleine de trop de difficultés".

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