Nigéria: une ville ravagée par le paludisme à l'épreuve de la méfiance vaccinale

11:0221/11/2024, Perşembe
AFP
À Kano, épicentre du paludisme au Nigeria, le nouveau vaccin antipaludique R21 suscite à la fois espoir et méfiance.
Crédit Photo : Média X / Archive
À Kano, épicentre du paludisme au Nigeria, le nouveau vaccin antipaludique R21 suscite à la fois espoir et méfiance.

Zuwaira Muhammad attend que ses jumeaux de 10 mois, épuisés par le paludisme, reprennent des forces sur leur lit d'une clinique de Kano, dans le nord du Nigeria, pour qu'ils puissent se faire vacciner. Un choix loin d’être anodin dans la deuxième plus grande ville du Nigeria, la plus touchée par cette maladie parasitaire, et où la population reste largement sceptique face aux vaccins.

"Je donnerai mon accord pour qu'ils reçoivent le vaccin contre le paludisme lorsque la campagne de vaccination commencera, parce que je sais à quel point le paludisme est dangereux",
confie Mme Zuwaira, 26 ans, à l'AFP.

J'ai failli les perdre à cause du paludisme.

Le paludisme, ou malaria, est une infection causée par un parasite transmis par les piqûres de moustiques. Elle provoque fièvre, maux de tête et frissons, et peut devenir une affection grave, voire mortelle, sans traitement.


Selon les derniers chiffres de l'OMS publiés en 2023, le Nigeria a enregistré 27 % des cas de paludisme dans le monde en 2022, ainsi que 31 % des décès dus à cette maladie.

Malgré la méfiance envers la vaccination et la progression de l'épidémie, le Nigeria a reçu en octobre plus de 846 000 doses du nouveau vaccin antipaludique R21/Matrix-M.


L'OMS recommande l'administration de quatre doses de ce vaccin pour une protection optimale, à partir de l'âge de cinq mois.


Une lutte contre les moustiques et la méfiance


Kano, avec ses décharges omniprésentes et ses égouts à ciel ouvert, constitue un terrain idéal pour la prolifération des moustiques.


Ce contexte explique un taux de prévalence du paludisme de 32,4 % dans cette ville, le plus élevé au Nigeria, selon le Malaria Consortium, une ONG spécialisée dans la lutte contre cette maladie.

La distribution gratuite de moustiquaires et d'insecticides par les autorités de l'État de Kano n'a pas suffi à enrayer l'épidémie.


"Paludisme et malnutrition"


"Le paludisme est un problème, et il y a une corrélation entre la malnutrition et le paludisme",
explique Hemmed Lukonge, coordinateur de projet à Médecins Sans Frontières (MSF) à Kano.

"Sur dix cas de malnutrition que nous enregistrons, huit ont également le paludisme. Cette année, Kano a connu un pic de décès dus au paludisme chez les nourrissons, avec une augmentation de 15 % par rapport à l'année dernière",
précise M. Lukonge.

La méfiance envers la vaccination, déjà présente, s'est amplifiée au fil des années, notamment après la campagne mondiale anti-polio des années 2000.


Entre 2003 et 2004, l'État de Kano avait suspendu la vaccination contre la polio pendant 13 mois, à la suite de rumeurs selon lesquelles le vaccin rendrait les filles stériles dans le cadre d'un supposé complot occidental.

Bien que la vaccination contre la polio ait repris, la défiance persiste. L'année dernière, deux mères ont alimenté la suspicion en affirmant à la radio locale que leurs enfants avaient développé des complications rénales après avoir été vaccinés contre la diphtérie.


Les autorités sanitaires ont reconnu que ces allégations avaient entravé leurs efforts pour lutter contre l'épidémie de diphtérie.


Une défiance persistante


"Je ne me ferai pas vacciner contre le paludisme, et il ne sera pas administré à mon enfant, car je ne sais pas s'il y aura des effets indésirables",
déclare Lubabatu Abubakar, une mère de six enfants âgée de 40 ans.

Elle estime que
"le paludisme est un énorme problème de santé, mais il pourrait être contenu si le gouvernement s'attaquait aux montagnes d'ordures favorisant la prolifération des moustiques."

Pour Umar Shehu, un autre habitant de Kano, la priorité devrait être donnée à la lutte contre la faim.
"Nous devons nous débarrasser du paludisme, mais la faim est un problème plus urgent. Comment un vaccin peut-il être efficace sur des personnes affamées ?"
, s'interroge-t-il.

Le Nigeria traverse actuellement une grave crise économique, avec une inflation dépassant 30 % en octobre, son plus haut niveau depuis trois décennies.


Des perspectives d’amélioration


Selon Hemmed Lukonge, la méfiance pourrait diminuer grâce à l'initiative du gouvernement local, qui a mis en place un groupe de travail visant à promouvoir la vaccination et à lutter contre la désinformation.


Ibrahim Musa, hématologue à l'hôpital universitaire Aminu Kano, partage cet avis.


"Un travail de sensibilisation adéquat, mené via les médias et les chefs religieux, pourrait convaincre un nombre significatif de personnes de se faire vacciner",
espère-t-il.

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