Un vendeur de céréales vend diverses légumineuses dans son magasin sur un marché de l'État de Gedaref, dans l'est du Soudan, le 17 avril 2024, alors que les combats se poursuivent entre l'armée soudanaise et les forces paramilitaires de soutien rapide (RSF).
Après une année de guerre dévastatrice, des centaines d'agriculteurs ont été chassés de leurs terres au Soudan, mettant en péril les récoltes et faisant craindre une famine dans ce pays d'Afrique de l'Est où il est "urgent d'agir maintenant", alertent des responsables de l'ONU.
"Partout au Soudan, on trouve des communautés vulnérables à la famine",
indique Rein Paulsen, directeur du bureau des urgences et de la résilience de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
La situation est particulièrement alarmante au Darfour (ouest) et au Kordofan (sud), ajoute-t-il.
où vit un quart de la population soudanaise,
"il y a 78 % de nourriture en moins comparé à l'année dernière",
alerte Eddie Rowe, directeur du Programme alimentaire mondial (PAM) au Soudan, pays de 48 millions d'habitants.
Au début des années 2000, le dictateur Omar El-Béchir, déchu en 2019, avait lancé des miliciens, les Janjawids, pour mener la politique de la terre brûlée dans la vaste région du Darfour.
Aujourd'hui, ils sont regroupés au sein des Forces de soutien rapide (FSR), dirigées par le général Mohammed Hamdane Daglo.
Ces paramilitaires sont en guerre depuis le 15 avril 2023 contre l'armée du général Abdel Fattah Al-Burhane.
Les bombardements de civils, destructions d'infrastructures, viols, pillages, déplacements forcés et villages incendiés sont devenus le quotidien des Soudanais.
"Course contre la montre"
Début mars, le Programme alimentaire mondial (PAM) tirait la sonnette d'alarme sur cette guerre qui
"pourrait créer la plus grande crise de la faim au monde".
Le Soudan connaît déjà la plus importante crise de déplacement de population du globe, avec 8,7 millions de déplacés.
Et pour les autres, ce sont les combats qui se dressent entre eux et leurs champs, à l'image de Hamed Ali, agriculteur près de Wad Madani, capitale de l'État d'Al-Jazira. Il s'interroge:
On ne peut pas quitter notre village, alors comment rejoindre nos fermes?
Le secteur agricole, de loin premier pourvoyeur d'emplois dans ce qui était le grenier à grains de l'Afrique, n'est plus que terres brûlées.
Quelque
"60 % des Soudanais dépendent de l'agriculture pour survivre",
mais avec la guerre,
"de nombreuses familles ont abandonné leur ferme",
explique M. Rowe.
Dans la région fertile d'Al-Jazira, les combats ont rendu inutilisables environ 250 000 hectares, faisant chuter de 70 % les 800 000 tonnes de blé produites chaque année dans le pays.
"Nous avons été déplacés sans aucune perspective de retour",
se lamente Saleh Abdel Majid, agriculteur à al-Jazira. À travers le pays, seules 37 % des terres agricoles sont toujours cultivées, selon le centre de recherche Fikra.
M. Paulsen redoute une
"course contre la montre"
car le mois d'avril marque l'ouverture des récoltes, dit-il.
Et
"les près de cinq millions de Soudanais qui se couchent le soir en ayant faim"
peuvent à peine être aidés par des humanitaires confrontés à des obstacles dans leurs déplacements et à un grave manque de financements, explique M. Rowe.
Prochaine échéance: le mois de mai, durant lequel "il faut que nous puissions remettre aux fermiers ce dont ils ont besoin" pour semer en juin, dit M. Paulsen.
Une aide vitale dans un pays où l'import-export est quasiment à l'arrêt, car les routes menant au seul port national d'envergure, Port-Soudan, sont coupées.
De son côté Mohammed Souleimane, cultivateur de maïs à Gedaref (est) constate:
La plupart des entreprises qui distribuent des engrais et des pesticides sont fermées.
Dans le même temps, le système bancaire s'est effondré, privant les agriculteurs de la possibilité de recourir aux transferts d'argent et aux prêts bancaires nécessaires à leur activité.
La guerre entre l'armée et les redoutées FSR a déjà fait des milliers de morts et pourrait durer des années, selon des experts.
Réunie à Paris en avril, la communauté internationale a annoncé plus de deux milliards d'euros de promesses d'aide pour le Soudan, soit la moitié de ce que l'ONU réclamait.
Le conflit a aussi plongé 18 millions de Soudanais dans une insécurité alimentaire aiguë, dont cinq millions ont atteint le dernier palier avant la famine.
Pour Mohammed Abdel Baqi, agriculteur dans l'État d'al-Jazira, sans saison agricole,
"si la guerre ne s'arrête pas, nous ne cultiverons pas nos terres".
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