Enfants français tués à Gaza: un deuil en accusation

La rédaction
18:141/11/2023, mercredi
MAJ: 1/11/2023, mercredi
AFP
Yeni Şafak
Janna et Obaida, deux enfants français tués dans un bombardement israélien à Gaza, le 24 octobre 2023. Crédit photo: X
Janna et Obaida, deux enfants français tués dans un bombardement israélien à Gaza, le 24 octobre 2023. Crédit photo: X

Yasmine Znaïdi, ressortissante française vivant à Gaza, a tragiquement perdu ses enfants lors d'une frappe de drone israélienne le 24 octobre à Gaza. Alors que les autorités françaises ont mis près de 10 jours à confirmer l'information, la mère endeuillée est jetée au pilori par la presse française qui l'accuse de soutenir le terrorisme. Une affaire typiquement française, où la presse mainstream détourne volontairement l'attention du deuil de la mort de deux enfants tués par l'État sioniste pour jeter un regard inquisiteur sur leur mère.

Dans un monde normalement constitué, lorsqu'une mère de famille perd ses deux enfants, on respecte son deuil. Surtout quand il s'agit d'enfants n'ayant pas atteint l'âge de l'adolescence, pas même celui de la puberté. Cette attitude est héritée des vieilles traditions millénaires de ce que l'on appelle la civilisation.


Or, il existe encore et toujours, sur cette planète que l'humanité partage, un morceau de terre qui résiste aux éléments les plus basiques de la civilisation, la France pour ne pas la nommer.


En effet, à peine l'annonce de la mort de ces deux enfants était-elle confirmée par un communiqué du ministère des Affaires Étrangères, que déjà, sur tous les plateaux télévisés des grandes chaînes d'information en continue, de BFM à RMC, chaque présentateur prenait le soin de préciser le parcours judiciaire de leur mère.


Qu'est-ce que cela signifie ? D'une part, que tous les plateaux télévisés ont été rencardés sur la personne. En effet, alors que le communiqué du Quai d'Orsay ne stipulait l'identité, ni des victimes, ni de leur mère, les médias français avaient son nom, celui de son époux, son casier judiciaire. Soit le Ministère de l'Intérieur a des taupes dans ses services travaillant pour la Presse, soit les autorités françaises disent tout et son contraire.
Dans les deux cas, cela est révélateur d'une collusion manifeste entre d'un côté les médias, de l'autre le pouvoir.

La Presse française complice des crimes israéliens ?


D'autre part, criminaliser une mère de famille est une manière de détourner le regard sur le crime qui a été commis.
Même si Mme Znaïdi a été mise en examen pour une affaire quelconque dans laquelle aucun jugement n'a été rendu et dont elle est supposée innocente jusqu'à preuve du contraire, en quoi cette information dédouane l'Etat hébreux de ses responsabilités dans la mort de deux ressortissants français ? En rien. Il convient alors de se poser la question : pour qui travaillent réellement les services de presse français ?

Troisièmement, la manière dont cette affaire a été gérée par la diplomatie française nous montre le double standard appliqué dans la gestion du conflit israélo-palestinien.
En effet, nous avons tous en mémoire les interventions récentes de fieffés défenseurs de la politique israélienne parmi la caste politico-médiatique concernant les ressortissants français décédés dans l'attaque du 7 octobre, et les diatribes endiablées pour dénoncer le sort des otages français entre les mains du Hamas. Mais étrangement, quand il s'agit de dénoncer la mort, non pas de colons de nationalité française violant à eux seuls au moins 8 résolutions de l'ONU, mais de deux enfants prépubères dans une frappe ciblée, non seulement nous n'entendons plus personne, mais on accuse leur mère d'être une mauvaise mère.

Enfin, cette affaire montre la faiblesse de la diplomatie française.
Alors que la France s'évertue à montrer qu'Israël est son partenaire privilégié au Proche-Orient avec lequel elle partage des renseignements, elle a mis plus d'une semaine à annoncer la mort de ses ressortissants. Cela alors que notre site d'information avait diffusé la nouvelle le jour même.

Yasmine Znaïdi, une humanitaire comme les autres


Pour revenir à la mère des enfants, Yasmine Znaïdi a épousé un ressortissant palestinien natif de Gaza. Tous les jours depuis son compte Instagram, elle faisait état des distributions alimentaires que son association mettait en place, et en direct. De plus elle se rendait fréquemment à l'Institut français de Gaza.


On a rarement vu des terroristes distribuer des plats de riz quotidiennement, se rendre dans des centres culturels français, filmer le tout en direct et demander des dons en ligne pour ça. Un peu de sérieux.


Ce qui est reproché à Mme Znaïdi, c'est d'avoir présidé l'association humanitaire "Perle d'espoir," qui a été accusée de financer des groupes de combattants syriens. Cependant, lorsque l'on creuse le dossier, il s'avère que
"Perle d'espoir" a mené des convois humanitaires, fait dont les services de renseignement français étaient au courant, dans des zones tenues par des combattants de l'Armée Syrienne Libre, politiquement soutenue par les gouvernements occidentaux, y compris la France.

Mme Znaïdi avait été ensuite mise en examen pour financement d'activité terroriste. Une accusation si bien fondée, que pendant trois longues années durant lesquelles les engrenages de l'administration judiciaire semblaient rouillés, les services de renseignement ont échoué à trouver le moindre élément justifiant une quelconque incarcération. Nous étions alors en pleine période d'attentats en France. Le pays était marqué par les attaques de janvier et novembre 2015, et les préfectures œuvraient corps et âmes pour perquisitionner plus de 7 000 musulmans et rentrer bredouille. Dans ce contexte ultrasécuritaire et ultra répressif, Yasmine Znaïdi, qui n'a jamais été reconnue coupable et à qui on ignorait la version des faits, a décidé de s'affranchir de son contrôle judiciaire et de se rendre à Gaza, chez le père de ses enfants.


Ses enfants méritent-ils de mourir pour autant ? N'importe quel esprit civilisé répondra par la négative. Ce n'est visiblement pas le cas de la presse française pour qui le statut de la victime dépend de celui de ses parents.


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