Qu’est-ce que Bachar al-Assad nous garantit ?

15:299/01/2023, الإثنين
MAJ: 9/01/2023, الإثنين
Yasin Aktay

Il est impossible que les grands changements sur le plan géopolitique, quel que soit leur objectif, ne soient pas perturbateurs. Car cela signifie un bouleversement des relations auxquelles nous sommes si habitués, qui constituent une routine, voire une zone de confort. Tout comme il est impossible que l'initiative de la Türkiye en faveur d'une nouvelle politique concernant le dossier syrien, dont les séquelles persistent et dont les morts continuent de nous hanter, soit accueillie avec indifférence

Il est impossible que les grands changements sur le plan géopolitique, quel que soit leur objectif, ne soient pas perturbateurs. Car cela signifie un bouleversement des relations auxquelles nous sommes si habitués, qui constituent une routine, voire une zone de confort. Tout comme il est impossible que l'initiative de la Türkiye en faveur d'une nouvelle politique concernant le dossier syrien, dont les séquelles persistent et dont les morts continuent de nous hanter, soit accueillie avec indifférence de la part de tous.
Cependant, proposer de dialoguer et d'emprunter un itinéraire alternatif concernant un dossier qui dure depuis 12 ans et qui est susceptible de ne proposer aucun intérêt quel qu'il soit s'il continue d'être traité de la sorte, avouons-le, demande beaucoup de courage.
Nous pouvons clairement constater que c'est la Türkiye qui porte cette tentative et que la Syrie, la Russie, l'Iran et les États-Unis n'ont pas l'intention de changer la donne.
D'ailleurs, les Américains n'ont pas tardé à exprimer leur malaise face à cette initiative.
M.
Price
, le porte-parole du ministère américain des Affaires étrangères, a déclaré concernant le premier cycle de négociations entre la Türkiye et la Syrie depuis Moscou :
"La seule chose que je peux dire, c'est que notre politique n'a pas changé. Nous ne soutenons pas les pays qui tentent de renouer les liens les plus étroits avec le dictateur qu'est Bachar al-Assad afin de restaurer son pouvoir ou qui soutiennent ce dernier dans ce but. Nous appelons tous les pays à tenir compte du bilan épouvantable du régime d'Assad concernant les droits de l'Homme au cours des douze dernières années, de la persécution du peuple syrien qui souffre depuis des années"
, a déclaré M. Price,
révélant ainsi non seulement l'attitude des États-Unis à l'égard de l'initiative de la Türkiye, mais aussi l'hypocrisie de la politique qu'ils ont menée jusqu'à présent en Syrie.
Malgré qu'ils mettent l'accent sur
"
l'impitoyable dictat d'Assad, l'horrible bilan concernant les droits de l'Homme et la souffrance du peuple syrien
"
à chaque occasion, les États-Unis n'ont strictement rien fait pour que la situation change en Syrie. Depuis 12 ans, en plus d'ouvrir la voie à ce dictateur impitoyable,
les Etats-Unis sont devenus les complices de ce bilan. Avec les organisations terroristes qu'ils ont soutenues
, ils n'ont contribué qu'à compliquer la situation. Rester les bras croisés, rendre la situation encore plus complexe, puis se permettre de s’opposer à toute tentative de réforme : voici la raison de la poursuite du conflit syrien jusqu’à présent.
Détrompez-vous, les États-Unis ne sont pas seuls à faire obstacle. La Russie, l'Iran et le régime syrien lui-même les accompagnent.
Il ne faut pas croire que le maintien du statuquo dérange les parties
. Ce n'est pas pour rien que des concepts tels que "
chaos productif et rentable
" ont été inventés dans le contexte syrien. Bien que ces concepts soient issus de l'intelligentsia américaine pour proposer un modèle politique aux États-Unis, ils correspondent tout à fait à la réalité des autres participants.
La situation actuelle génère davantage de profit sur le plan politique. Ceux qui en profitent espèrent que la situation soit maintenue. Par conséquent, une solution quelconque perturbe le confort de tous.

Outre le peuple syrien, la Türkiye est le seul pays qui ne veut pas que la situation se poursuive. Car la Türkiye est limitrophe à hauteur de 900 kilomètres avec la Syrie. Par conséquent, toutes les tempêtes qui ont lieu en Syrie, se répercutent par des vagues de réfugiés en Türkiye. Pour cette raison, la Turquie a fait preuve de courage en proposant une alternative politique afin de débloquer la situation malgré les séquelles. 

Cependant, comment ne pas s'étonner de ceux qui qualifient cette initiative de capitulation et de revirement de la politique turque envers la Syrie. Depuis le début, la Türkiye a adopté des positions morales et réalistes. 
Aujourd'hui, il est inutile d'accorder plus d'importance qu'il en vaut aux attentes de ce rapprochement.
Par exemple, il n'est pas logique de penser que la Türkiye coopérera avec le régime syrien contre le terrorisme du PKK-PYD
. Car PKK-PYD n'est pas sous le contrôle du régime syrien. En raison d'un éventuel rapprochement, on ne peut s'attendre à ce que le régime syrien lutte efficacement contre ces groupes terroristes ou coopère avec la Türkiye.
Si le régime avait la capacité de lutter contre le PYD, la situation en Syrie serait aujourd'hui très différente. 
Actuellement, le territoire syrien est occupé par les États-Unis et le régime syrien ne possède pas la capacité de mener une opération dans ce territoire occupé. Par conséquent,
les homologues logiques de la Türkiye concernant la menace terroriste qui pèse sur le pays sont les États-Unis et peut-être la Russie, et non le régime syrien. 
En attendant, la Türkiye est le seul pays qui puisse garantir l'intégrité territoriale de la Syrie à long terme.
Il serait beaucoup plus approprié pour le régime syrien, de s'inquiéter de l'occupation américaine et du PYD.
Dans le cadre des négociations directes avec la Syrie, il est inutile d'attendre une solution à court terme sur le retour des réfugiés
. Quelles que soient les garanties données par Assad, ni la Türkiye ni personne d'autre ne souhaite que les réfugiés syriens fassent confiance à Assad, dont le seul comportement à l'égard de l'opposition au cours des 12 dernières années a été de les massacrer.
Ni la Russie ni l'Iran ne peuvent rassurer ceux qui veulent rentrer en se proposant garant contre leurs meurtriers.
En effet, les autres acteurs du massacre ne sont pas seulement les mécènes mais aussi les partenaires de ceux qui ont commis le massacre.

Toutefois, la Türkiye est peut-être le seul pays capable de rassurer les Syriens concernant leur retour en zone sûre. Une protection turque des zones de contrôle à l'intérieur de la Syrie, pourrait même motiver les Syriens à rentrer volontairement.

Par exemple, comme l'affirme
Mukhtar al-Shankiti
d'Aljazeera.net,
une très bonne solution serait d'étendre la zone de sécurité contrôlée par la Türkiye à l'intérieur de la Syrie pour inclure Alep jusqu'à ce que la crise soit résolue
. Étant donné qu'Alep est l'une des plus grandes sources de réfugiés en Türkiye, il s'agit peut-être de la question la plus importante et la plus raisonnable des négociations, dans l'intérêt de tout le monde.
#Syrie
#Assad
#YPG/PKK
#USA
#Türkiye