Tanzanie: la police cible des leaders de l'opposition avant une manifestation

11:5723/09/2024, Pazartesi
AFP
Un officier de police tanzanien s'entretient avec des personnes devant le bureau de vote de Garagara Playground à Mtoni, Zanzibar, le 28 octobre 2020.
Crédit Photo : Patrick Meinhardt / AFP Archive
Un officier de police tanzanien s'entretient avec des personnes devant le bureau de vote de Garagara Playground à Mtoni, Zanzibar, le 28 octobre 2020.

La police tanzanienne a arrêté lundi le vice-président du principal parti d'opposition, Chadema, et bloqué l'accès au domicile de son président avant une manifestation, interdite par les autorités, prévue dans la capitale économique Dar es Salaam pour dénoncer les disparitions de militants.

Chadema avait appelé à descendre lundi dans les rues de Dar es Salaam après le meurtre d'un de ses dirigeants, Ali Mohamed Kibao, enlevé par des hommes armés et retrouvé mort le 7 septembre.


Le parti dénonce une répression croissante à son encontre, à quelques mois des élections locales prévues en novembre, et accuse la présidente Samia Suluhu Hassan de revenir aux pratiques autoritaires de son prédécesseur, John Magufuli, après avoir montré des signes d'ouverture démocratique à son arrivée au pouvoir en mars 2021.


La police, qui avait interdit la manifestation, a déployé dès samedi des forces anti-émeutes, équipées de canons à eau, en plusieurs points stratégiques de Dar es Salaam, notamment dans les quartiers de Buguruni et Ubungo, mentionnés par Chadema comme points de départ de la mobilisation.

Après l'annonce que le domicile de son vice-président, Tundu Lissu, à Tageta, dans la banlieue de Dar es Salaam, avait été
"encerclé"
par la police, Chadema a confirmé son arrestation.
"Un convoi de 11 véhicules l'a emmené sans préciser à quel commissariat de police ils allaient",
a publié le parti sur X.

Les routes menant au domicile du leader Freeman Mbowe ont également été bloquées depuis dimanche soir, selon Chadema:


Tous les usagers de la route sont arrêtés, fouillés et interrogés sur leur intention de manifester.

Tundu Lissu, figure de l'opposition en Tanzanie, était rentré dans le pays en janvier 2023 après plus de cinq ans d'exil. Il avait pris cette décision après l'annonce de la levée de l'interdiction des meetings politiques d'opposition par la présidente Samia Suluhu Hassan.

"Manifestation pacifique"


Réitérant l'appel à manifester, Freeman Mbowe a rappelé dimanche qu'il s'agissait d'une action
"pacifique et de deuil".

"Nous avons vu le déploiement de policiers armés dans la ville, mais nous sommes prêts à y faire face. Si certains d'entre nous sont arrêtés, blessés ou même tués, priez pour nous et ne revenez jamais en arrière",
a-t-il déclaré.

Et d'ajouter:


Nous faisons cela pour faire de notre pays un endroit où vivre en paix.

Le commandant de la police, Jumanne Muliro, a rappelé ce week-end que
"depuis que les manifestations ont été annoncées, la police a publiquement déclaré que les manifestations étaient interdites".

Il a ajouté:


Si Chadema a sa propre position, c'est son affaire.

En août, un rassemblement similaire, interdit par la police mais maintenu par Chadema, avait conduit à l'arrestation de 520 dirigeants et sympathisants du parti, dont Freeman Mbowe et Tundu Lissu, avant qu'ils ne soient libérés quelques jours plus tard.

Depuis, plusieurs ONG et pays occidentaux (États-Unis, Union européenne, Grande-Bretagne, Norvège, Suisse...) ont exprimé leurs inquiétudes face au climat politique en Tanzanie.


Après le meurtre de M. Kibao, l'ambassade américaine en Tanzanie a notamment demandé
"une enquête indépendante, transparente et rapide"
, estimant que
"les meurtres et disparitions, ainsi que les détentions, passages à tabac et autres tentatives du mois dernier visant à priver les citoyens de leurs droits civiques avant les élections, ne devraient pas avoir leur place dans une démocratie".

Mardi dernier, la présidente Samia Suluhu Hassan a rétorqué:


Nous n'avons pas à recevoir des directives sur ce que nous devons faire dans notre propre pays.

"Nous avons une constitution, des lois, des directives, des coutumes et des traditions qui nous guident dans nos actions".

"Après le bon travail des réformes, nous ne tolérerons aucun acte susceptible de provoquer des troubles dans notre pays",
a-t-elle ajouté.

Selon un collectif d'avocats, la Tanganyika Law Society, 83 personnes ont été enlevées ou ont disparu entre 2016 et 2024.

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