Au Kenya, le président William Ruto sur la ligne de crête

10:388/08/2024, Perşembe
AFP
Les manifestations meurtrières contre la politique économique du président kényan William Ruto ont terni son image tant au niveau national qu'international.
Crédit Photo : SIMON MAINA / AFP / Archive
Les manifestations meurtrières contre la politique économique du président kényan William Ruto ont terni son image tant au niveau national qu'international.

En 2022, William Ruto s'était présenté comme le porte-voix des plus défavorisés, mais les manifestations meurtrières contre sa politique économique ont écorné l'image du chef de l'État kényan dans son pays, mais aussi à l'étranger.

M. Ruto est confronté à sa pire crise depuis sa victoire à la présidentielle en août 2022, remportée à l'issue d'un scrutin très disputé.


Le chef de l'État est notamment vilipendé par la
"génération Z"
(jeunes nés après 1997), qui s'est mobilisée dans les rues de la capitale Nairobi et à travers le pays contre un projet de budget controversé, qui prévoyait de nombreuses nouvelles taxes.

Les rassemblements, initialement pacifiques, ont pris un tour violent le 25 juin lorsque des manifestants ont pris d'assaut le Parlement. La police avait alors tiré à balles réelles.


Selon des organisations de défense des droits humains, au moins 60 personnes ont été tuées depuis le début des rassemblements, et plusieurs dizaines d'autres sont portées disparues.

Les scènes de chaos ont alarmé les États-Unis et plus d'une dizaine de pays européens, ainsi que l'ONU et l'Union africaine, qui se sont déclarés
"fortement préoccupés".
L'ONU a également réclamé que les responsabilités soient
"clairement"
établies après la mort de manifestants.

Au début des rassemblements, M. Ruto avait adopté un discours martial, dénonçant une
"trahison"
, et promettant de réprimer les troubles
"à n'importe quel prix".

Mais devant l'ampleur de la contestation, il a ensuite fait marche arrière, annonçant le retrait du projet de budget, ainsi que le limogeage de la quasi-totalité de son gouvernement.


Cela n'a cependant pas calmé la colère des manifestants, qui ont prévu jeudi une nouvelle journée de mobilisation, échaudés par le tour de passe-passe du président, qui a reconduit à leurs postes plusieurs poids lourds du gouvernement, et fait entrer quatre membres de l'opposition.


"Profondeur de la colère"


Le chef de l'État, 57 ans,
"a mal évalué la profondeur de la colère des citoyens"
, a écrit dans une analyse parue la semaine dernière Fergus Kell, responsable du programme Afrique du centre de réflexion Chatham House à Londres.

L'entrée au gouvernement de proches du vétéran de l'opposition Raila Odinga a ouvert des fissures au sein du parti au pouvoir. Le vice-président, Rigathi Gachagua, a notamment fait part de sa frustration.

Les dépenses somptuaires du gouvernement - notamment dans des rideaux ou des voitures - ont exacerbé les critiques de la population, qui fait face à une hausse du coût de la vie.


Le président, considéré comme l'un des hommes les plus riches du pays même s'il n'y a aucun chiffre public - il a de nombreuses participations dans l'hôtellerie, l'immobilier et les assurances - n'a rien fait pour empêcher la crise, selon des analystes.


Il est également critiqué pour ses nombreux déplacements à l'étranger, plus d'une soixantaine depuis sa prise de fonction, dont un à bord d'un luxueux jet privé pour se rendre aux États-Unis où il a été invité à un dîner d'État à la Maison Blanche.


La présidence a été
"en deçà des attentes",
soutient auprès de l'AFP Macharia Munene, professeur de relations internationales à l'United States International University de Nairobi, dénonçant le
"dédain"
du chef de l'État.

"Scepticisme généralisé"


William Ruto fait ses débuts en politique en 1992. Après avoir terminé des études de botanique, il a dirigé un mouvement de jeunes chargé de mobiliser des soutiens pour le président autocratique de l'époque, Daniel arap Moi.


Il est aujourd'hui pris en étau entre des bailleurs internationaux pour rembourser la dette qui culmine à plus de 78 milliards de dollars, et une population dont un tiers vit sous le seuil de pauvreté.


William Ruto, qui a été pendant près d'une décennie le vice-président de Uhuru Kenyatta, doit désormais créer des emplois et rétablir la confiance des Kényans les plus modestes.


"Il incombe au dirigeant kényan et à ses collègues de réparer leurs relations avec le public",
estime Meron Elias, analyste à l'International Crisis Group, jugeant qu'il
"pourrait proposer un calendrier clair pour la mise en œuvre des mesures de réduction des coûts et des autres réformes qu'il a promises, compte tenu du scepticisme généralisé quant à sa sincérité".

Le Kenya, pays d'environ 52 millions d'habitants, est la locomotive économique de l'Afrique de l'Est. Mais l'activité du secteur privé a chuté en juillet en raison des manifestations.


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