L’ancien Premier ministre tunisien, Ali Laarayedh. Crédit Photo: FETHI BELAID / AFP
L’organisation non gouvernementale Human Rights Watch (HRW) a exhorté, mardi, les autorités tunisiennes à mettre fin à la détention de l’ancien premier ministre et vice-président du parti d’opposition Ennahdha, Ali Laarayedh.
Par voie de communiqué publié sur son site, HRW a déclaré que Ali Laarayedh est
"arbitrairement emprisonné"
depuis le 19 décembre 2022,
"sur la base de vagues accusations de terrorisme"
et
"sans avoir comparu devant un juge"
.
L’ONG chargée de la défense des droits humains a précisé que selon le mandat de dépôt, qu’elle a pu consulter, Laarayedh est accusé
"d’avoir failli à contenir la propagation du salafisme, une branche traditionnaliste de l’Islam sunnite, et du groupe islamiste armé Ansar al-Charia, lorsqu’il était en fonction"
.
Le vice-président du parti d’opposition Ennahdha (mouvement politique d’obédience islamique, ndlr) a occupé le poste de ministre de l’Intérieur de décembre 2011 à février 2013, puis celui de premier ministre de mars 2013 à janvier 2014, dans un gouvernement de coalition.
"Le mandat de dépôt indique qu’il est poursuivi pour ses décisions et politiques lorsqu’il était au pouvoir, et non pas pour des actes criminels particuliers",
précise HRW.
"Selon les informations disponibles, les poursuites engagées contre Laarayedh ne semblent être qu’un nouvel exemple de la stratégie des autorités sous le président Kaïs Saïed, consistant à réduire au silence les dirigeants du parti Ennahdha et d’autres opposants en les faisant passer pour des terroristes"
, a affirmé Salsabil Chellali, directrice du bureau de Tunis de Human Rights Watch.
"Les autorités devraient immédiatement libérer Laarayedh et les autres personnalités politiques et personnalités critiques des autorités qu’elles maintiennent en détention sans preuves crédibles de crimes",
a-t-elle ajouté.
HRW estime que
"la détention de Laarayedh, 68 ans, s’inscrit dans le cadre d’une vaste enquête policière sur les circonstances dans lesquelles des milliers de Tunisiens ont pu quitter le pays et rejoindre Daech ainsi que d’autres groupes islamistes armés en Syrie, en Irak et en Libye",
à partir de 2011, soit après la révolution populaire qui a renversé le régime de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali.
Le chef de file du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, et d’autres cadres du parti
"ont également été convoqués pour des interrogatoires de police au sujet d’un prétendu projet d’expédition à l’étranger de potentiels islamistes armés"
, ajoute le communiqué.
HRW explique que
"l’arrestation de Laarayedh est également survenue dans un contexte de répression croissante et de poursuites judiciaires contre les détracteurs du président Saïed"
depuis que ce dernier s’est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021 et
"qu’il a placé le système judiciaire sous son contrôle".
"Les dirigeants d’Ennahdha ont été une cible privilégiée des autorités depuis le 25 juillet 2021. Plusieurs membres du parti ont été soumis à des arrestations arbitraires et à des interdictions de voyager à l’étranger",
ajoute l’ONG.
Les autorités tunisiennes procèdent depuis le 11 février 2023, à une vague d’arrestations de personnalités de renom, dont des dirigeants de partis, des journalistes, des magistrats, un homme d’affaires influent, des avocats, des militants politiques, et des syndicalistes.
Le 14 février dernier, Saïed, a accusé certains des prévenus d’être impliqués dans un complot contre la sûreté de l’Etat, les tenant, en outre, pour responsables de la pénurie des produits de base et de la flambée des prix. À maintes reprises Saïed a insisté sur l'indépendance du pouvoir judiciaire, mais l'opposition l'accuse d'instrumentaliser la justice pour traquer ceux qui rejettent les mesures d'exception qu’il avait déclarées dès le 25 juillet 2021.
Selon le mandat de dépôt, émis par un juge d’instruction affilié à l’unité anti-terroriste du Tribunal de première instance de Tunis, et repris par HRW, Laarayedh est accusé de
"ne pas s’être occupé ou de n’avoir pas combattu de manière adéquate le phénomène salafiste et plus particulièrement l’organisation Ansar al-Charia, contribuant ainsi à l’expansion de ses activités
(…)
et à l’augmentation des départs de jeunes Tunisiens vers des foyers de tension pour le djihad"
.
Le juge accuse, en outre, l’ancien chef du gouvernement de
"n’avoir pas traité Ansar al-Charia comme une organisation terroriste",
et d’avoir permis à des
"prédicateurs musulmans bien connus pour leur extrémisme
(…)
d’entrer sur le territoire tunisien en dépit de la mise en place préalable de procédures aux frontières"
à leur encontre.
Laarayedh, est en détention préventive dans l’attente d’un procès à la prison de Mornaguia précise HRW, qui ajoute que le dirigeant d’Ennahdha fait l’objet d’une enquête, en vertu de plusieurs articles de la loi de 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et de l’article 32 du Code pénal, pour des infractions pour lesquelles la peine maximale prévue est la prison à perpétuité, telles que :
,
"appartenance à une organisation terroriste"
,
"utilisation du territoire tunisien ou d’un territoire étranger pour recruter et entraîner une personne ou un groupe de personnes en vue de commettre une infraction terroriste"
,
[leur]
ou de leur
"entrée ou sortie légale ou illégale du territoire tunisien",
ainsi que
.
Selon une étude réalisée en 2021 par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le nombre de Tunisiens qui ont joint des groupes armés, principalement en Syrie, en Irak et en Libye entre 2011 et 2014, est estimé entre 3 000 et 4 500. D’autres estimations font état d’un nombre deux fois plus élevé.
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