Un mois après l'adoption de la loi d'amnistie des indépendantistes catalans, la justice espagnole a tranché lundi sur le cas emblématique de Carles Puigdemont, à qui elle refuse d'appliquer la mesure, maintenant le mandat d'arrêt visant le dirigeant exilé en Belgique.
L'arrêt du Tribunal suprême fait l'effet d'un coup de tonnerre alors que la loi d'amnistie devait concerner au premier chef Carles Puigdemont, qui espérait pouvoir rentrer rapidement en Espagne. Elle constitue aussi un revers de taille pour le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, à l'origine de cette mesure controversée.
Visé par un mandat d'arrêt depuis les évènements de 2017, M. Puigdemont a fui en Belgique, où il vit toujours, pour échapper aux poursuites de la justice espagnole, qui ont valu à plusieurs autres responsables séparatistes d'être incarcérés. Il a été inculpé pour des délits de détournement de fonds, désobéissance et terrorisme.
Le magistrat estime en effet qu'il y avait eu de la part de M. Puigdemont la volonté d'obtenir un bénéfice personnel, et que ses agissements ont eu un impact sur les intérêts financiers de l'Union européenne, ce qui rend l'amnistie inapplicable à ses yeux.
Le délit de terrorisme, dont est également accusé M. Puigdemont dans un cas distinct, n'est pas abordé dans cet arrêt.
"Coup d'Etat des toges"
Quelques minutes après l'annonce du Tribunal suprême, Carles Puigdemont a réagi sur le réseau social "X" via un message sibyllin ("La Toga nostra") assimilant les juges et leurs toges à la mafia sicilienne Cosa Nostra.
Le 30 mai, le Parlement espagnol a adopté cette loi d'amnistie pour les indépendantistes catalans, prix que le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez a dû payer pour être reconduit au pouvoir en novembre grâce au soutien des deux partis indépendantistes catalans, qui exigeaient cette mesure en contrepartie.
L'objectif des législateurs était que la justice commence sans tarder à annuler les mandats d'arrêt visant les indépendantistes ayant fui à l'étranger, et que ces annulations restent valides en attendant l'examen des recours déposés contre la loi, qui peut prendre des mois voire des années.
Les magistrats - dont beaucoup ne cachent pas leurs réticences voire leur franche opposition à cette mesure qui a dominé et radicalisé la vie politique espagnole depuis les élections de juillet 2023 - avaient deux mois à partir de son entrée en vigueur le 11 juin pour la mettre en application.
La semaine dernière, deux personnes, un ancien membre du gouvernement régional catalan et un policier, sont devenus les premiers bénéficiaires de la loi et ont été amnistiés.