Depuis la victoire du Rassemblement National aux élections européennes et au premier tour des législatives anticipées du 30 juin, une vague d'agressions racistes a secoué la France. Les cibles principales: des femmes voilées, des passants musulmans et des jeunes se rendant à la mosquée.
Mais une nouvelle tendance émerge: de nombreux médecins musulmans envisagent sérieusement de quitter le pays, ou tout du moins l'endroit où ils exercent.
Sur Facebook, les groupes dédiés à l'expatriation voient fleurir les annonces de médecins musulmans cherchant refuge, notamment au Maroc.
Sur X, la journaliste Monia Ben Hamadi rapporte:
"Beaucoup de témoignages de médecins d'origine étrangère qui souhaitent quitter les déserts médicaux dans lesquels ils exercent et où une majorité a voté pour l'extrême-droite".
Les témoignages abondent:
"Mon cousin a décidé de démissionner et partir. Il a déjà trouvé"
, déclare un internaute. Un autre renchérit:
"Mon ex-beau-frère médecin est parti au Canada et ne ressent plus de racisme."
"Si je pars, le service ferme"
"Pareil mon mari est médecin dans un désert médical qui a voté majoritairement RN. Le seul cabinet à des km à la ronde tenu par 2 arabes, un noir et un blanc. il a affaire parfois à des commentaires douteux, il relativise souvent en voyant le verre à moitié plein... Ben là c'est acté!
Un médecin déplore:
"Je ne reste pas une heure de plus". "Si je pars, le service ferme",
argue un autre.
Les réactions des patients, influencées par le vote pour le RN, sont également vives :
Un patient sur deux ne veut pas de moi comme médecin, même dans un désert médical.
Les commentaires en ligne reflètent une division profonde: certains appellent à surmonter cette épreuve avec courage, tandis que d'autres offrent un accueil chaleureux aux médecins.
"Venez, nous sommes à 40 minutes de la mer", "Vous êtes la bienvenue chez nous".
Entre serment d'Hippocrate et attitude hypocrite
"Je travaille à 20 min de l'endroit où les français ont mis MLP députée ce soir (dimanche soir, ndlr)... un patient sur 2 ne me veut pas en tant que médecin alors que j'exerce dans un désert médical. Allez, il est grand temps de songer aller soigner d'autres cœurs ailleurs, moins malades des autres"
, s'indigne une généraliste du Nord de la France.
Les sympathisants du Rassemblement National expriment des critiques acerbes vis à vis de ces médecins, remettant en question leurs valeurs humanitaires:
"Le RN ne s'en prend qu'aux délinquants étrangers, pas aux médecins",
souligne un commentaire.
"N'avez-vous pas fait le serment d'Hippocrate"
, s'indigne un autre.
Le serment d'Hippocrate est un serment solennel prêté par les médecins au moment de leur entrée dans la profession qui les engage à respecter des principes éthiques fondamentaux, tels que le respect de la vie humaine, la confidentialité des informations médicales, et l'engagement à exercer la médecine de manière altruiste et désintéressée.
En guise de réponse, un médecin pointe l'hypocrisie des supporters du Rassemblement National:
"Je pense faire pareil, une petite dispo selon les résultats de la ville où je travaille. Pour le coup je suis le seul médecin restant dans ma spécialité [...]. Quand c'est pour les soigner, les fachos l'ouvrent moins".
"Quand il s'agit de ne plus soigner les personnes étrangères en France, ça brandit l'étendard du RN plus vite que son ombre. Par contre, quand il s'agit d'un tweet qui évoque l'idée qu'un médecin d'origine étrangère quitte un désert médical, là ça vient faire de grands rappels de serments"
, répond un autre.
L'exil des élites musulmanes
Les médias et les pouvoirs publics sont largement critiqués pour avoir contribué à l'infusion du racisme dans la société française.
La banalisation des discours anti-immigrés et la stigmatisation des communautés musulmanes ont créé un climat de méfiance et d'intolérance, exacerbé par les résultats électoraux récents.
En France, où 10% des médecins sont étrangers, leur départ pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour le système de santé. Face aux inquiétudes croissantes, le Rassemblement National tente de rassurer dans le cadre de sa politique de dédiabolisation.
Une stratégie qui semble ne pas tromper les professionnels de la médecine.
