Crédit Photo : BAY ISMOYO / AFP
Avant l'élection présidentielle de mercredi, où près de 205 millions d'Indonésiens doivent aussi élire leurs députés et conseillers locaux, des électeurs, des candidats et des volontaires ont assuré à l'AFP avoir vu des cadeaux et des enveloppes d'argent être échangés.
Suharti rentrait chez elle quand des militants lui ont remis un "t-shirt" et 100 000 roupies, soit environ six euros, contre la promesse de voter pour leur candidat : à l'approche de l'élection présidentielle en Indonésie, cadeaux et enveloppes s'échangent encore dans un pays toujours marqué par la corruption.
Pour autant, pas sûr que cette femme de 53 ans succombe à la pression :
"Ils m'ont demandé de voter pour un certain candidat. Mais une fois dans l'isoloir, je voterai en fonction de ce que mon cœur me dira"
, a-t-elle expliqué à l'AFP.
Pour s'y attaquer, l'agence de supervision des élections, Bawaslu, a appelé les citoyens à dénoncer tout achat ou tentative d'achat de voix.
Mais alors que la corruption demeure endémique dans le vaste archipel, Transparency International a estimé dans son rapport en 2023 que la commission indonésienne anticorruption avait été
"gravement privée de ses pouvoirs".
Le Parlement est considéré comme l'une des institutions indonésiennes les plus touchées par la corruption et selon l'ONG Indonesia Corruption Watch (ICW). Au moins 56 candidats précédemment reconnus coupables de corruption sont encore en lice cette année pour les élections législatives.
Andri, qui n'a pas souhaité donner son nom complet, explique qu'il a été sollicité par le passé par plusieurs candidats à un siège de député pour distribuer de la nourriture et de l'argent, avant d'accepter.
S'il a été sollicité, c'est, selon lui, pour son rôle dans un club de supporteurs de football de Jakarta.
"En général, je commençais (par distribuer de l'argent) aux gens les plus proches de moi, puis aux gens de mon quartier"
, explique cet homme de 37 ans.
Malgré les mises en garde officielles sur le fait que ces pratiques sont illégales, elles persistent.
"Cela arrive encore parce que nos réglementations comportent des failles et que la loi n'est pas totalement appliquée"
, estime Seira Tamara, chercheuse à l'ICW.
Prabowo Subianto, grand favori pour succéder à Joko Widodo à la présidence, a publiquement évoqué la question. Tout en expliquant aux électeurs qu'ils pouvaient accepter des cadeaux, il leur a demandé de voter selon leurs convictions.
"Si quelqu'un vous promet de l'argent, acceptez-le, c'est votre argent, l'argent du peuple. Mais s'il vous plaît, votez selon votre cœur"
, a-t-il récemment déclaré à ses partisans.
Une candidate à un siège au Parlement a indiqué à l'AFP, sous condition d'anonymat, qu'elle avait dépensé jusqu'à 250 millions de roupies (14 800 euros) pour acheter des voix, mais qu'elle avait tout de même été battue. Elle a confié:
J'ai désormais changé ma méthode, je fais du porte à porte et la promotion de mon programme.
Andri explique de son côté que parmi les différents candidats qu'il a aidés lors de la précédente élection en 2019, un seul a finalement été élu.
"(Payer) "n'est pas efficace à mon avis, et ce n'est certainement pas une garantie de gagner"
, juge-t-il.
"Vous ne savez pas pour qui ils (les électeurs) vont voter une fois dans l'isoloir."
"Aussi longtemps qu'il y aura des gens prêts à accepter cet argent"
, l'achat de voix persistera, déplore Mme Tamara.
Quant aux décisions que prendront ensuite les élus,
"elles n'iront pas dans le sens de l'intérêt général mais seront favorables à ceux qui les ont soutenus financièrement".
Ukon Furkon Suknada, candidat aux législatives de 39 ans, se veut pour sa part optimiste :
"Les gens qui votent en échange d'argent vont disparaître peu à peu et seront remplacés. (La politique) deviendra alors un concours d'idées".
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