Géorgie: Zourabichvili, la présidente sortante pro-UE qui défie le gouvernement

12:3729/12/2024, dimanche
MAJ: 29/12/2024, dimanche
AFP
La présidente géorgienne sortante, Salomé Zourabichvili, s'adresse au public lors d'une réunion précédant l'investiture du président géorgien élu, Mikheil Kavelashvili, à Tbilissi, le 29 décembre 2024.
Crédit Photo : Giorgi ARJEVANIDZE / AFP
La présidente géorgienne sortante, Salomé Zourabichvili, s'adresse au public lors d'une réunion précédant l'investiture du président géorgien élu, Mikheil Kavelashvili, à Tbilissi, le 29 décembre 2024.

Ancienne diplomate française, Salomé Zourabichvili a quitté une carrière confortable pour naviguer dans les eaux tumultueuses de la politique géorgienne. Présidente depuis 2018, elle défie le gouvernement en refusant de rendre son mandat sans nouvelles législatives.

Le mandat de Mme Zourabichvili, âgée de 72 ans, expire dimanche à l'occasion de l'investiture de son successeur, l'ex-footballeur Mikheïl Kavelachvili, un loyal du parti au pouvoir, le Rêve géorgien.


Mais Mme Zourabichvili, en rupture avec le gouvernement, considère
"illégitime"
la désignation de M. Kavelachvili à ce poste par le Rêve géorgien et réclame de nouvelles élections législatives.

Elle était devenue la première femme présidente de la Géorgie en 2018 -un poste dont les pouvoirs venaient d'être réduits- alors avec le soutien de Bidzina Ivanichvili, l'homme le plus riche du pays et fondateur du Rêve géorgien.


Le même parti qui est aujourd'hui honni par les manifestants pro-UE qui protestent sans relâche depuis fin octobre à Tbilissi et sont soutenus par Mme Zourabichvili.

Car lorsque le gouvernement a commencé à s'éloigner des ambitions de ce pays du Caucase de rejoindre l'UE, Salomé Zourabichvili a rejoint les rangs des détracteurs du Rêve géorgien.


Elle a mis son veto, sans succès, à plusieurs lois jugées liberticides ciblant la société civile, les médias et les droits des personnes LGBT+, approfondissant la rupture avec le pouvoir, qui a tenté à deux reprises de la destituer.


Après les législatives du 26 octobre, remportées par le Rêve géorgien mais dénoncées comme truquées par l'opposition, elle a pris fait et cause pour le mouvement de protestation pro-européen, multipliant les interviews dans les médias en se présentant comme
"seule institution légitime"
du pays.

"Faites affaire avec nous, nous représentons la population géorgienne"
, plaidait encore dans un entretien début décembre celle qui accuse ses anciens alliés politiques de faire le jeu de la Russie, puissance historique dans la région.

"Voie européenne"


Défiant le Rêve géorgien, Mme Zourabichvili s'est mêlée à plusieurs reprises aux manifestations à Tbilissi, elle avait été accueillie par des applaudissements de la foule, qui scandait son nom.


"Ensemble, nous représenterons (...) une nouvelle Géorgie qui retrouvera sa voie européenne, son indépendance"
, a-t-elle lancé devant les manifestants, dans les premiers jours des protestations.

A l'étranger, elle entend s'imposer comme l'interlocutrice privilégiée des Occidentaux. Elle était début décembre à la cérémonie de réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, où elle dit s'être entretenue de
"l'élection volée"
avec Donald Trump et Emmanuel Macron.

Elle est née à Paris dans une famille de réfugiés géorgiens ayant fui les bolcheviques. L'un de ses aïeux, Niko Nikoladzé, était un éminent écrivain libéral et membre d'un mouvement prônant l'indépendance de la Géorgie de l'Empire russe.

Après des études de sciences politiques, Salomé Zourabichvili a choisi la carrière diplomatique qu'elle a suivie pendant près de 30 ans avec des postes aux Nations unies, à Washington ou au Tchad. Elle a terminé cette carrière en tant qu'ambassadrice de France à Tbilissi en 2004.


"Combat politique"


Après la révolution des Roses de novembre 2003 en Géorgie, qui avait provoqué la chute du président Edouard Chevardnadzé, elle est nommée ministre des Affaires étrangères du nouveau dirigeant du pays, le réformateur pro-occidental Mikheïl Saakachvili.


Elle se fait rapidement des ennemis dans les rangs du nouveau pouvoir, qu'elle accuse de dérive autoritaire.


Elle est limogée en 2005 après seulement un an en tant que ministre, malgré des manifestations de soutien. Mme Zourabichvili rejoint alors l'opposition en tant que députée et devient l'une des critiques les plus féroces de M. Saakachvili.


Elle quitte la politique géorgienne en 2010 pour travailler pendant cinq ans pour le groupe d'experts des Nations unies chargé du suivi de l'Iran, désabusée par la situation dans son pays où, estime-t-elle, les conditions ne sont pas réunies pour que l'opposition puisse exister.

Elle soutient publiquement le Rêve géorgien pour la présidentielle de 2013 et trois ans plus tard, elle refait son entrée au Parlement en tant qu'indépendante. Après avoir renoncé à sa nationalité française, elle est élue présidente en 2018.


Son mari, Janri Kashia, écrivain et journaliste géorgien, est décédé en 2012.


"Je dois m'engager dans un combat politique qui ne m'a jamais attirée, que je n'ai jamais pratiqué, et qui m'est imposé"
, écrivait-elle dans son livre
"Une femme pour deux pays"
, publié en France en 2006.

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