Au-dessus du lit de Sidi, 22 ans, le mur a été tagué: "Le stress tue les neurones". Le jeune homme, diagnostiqué psychotique, occupe la chambre 13 du seul hôpital psychiatrique de Mauritanie, où les vingt lits disponibles pour tout le pays accueillent autant que possible les malades mentaux.
Ce retraité de l'armée a installé une natte dans la chambre de son fils malade, admis à l'hôpital depuis trois jours, pour s'y faire sentinelle.
Ne sachant plus quoi faire face à ses accès de violence psychotique, il a amené son fils au Centre des spécialités de Nouakchott, où se trouve le seul service de psychiatrie du pays.
Sidi y restera quelques jours: les hospitalisations, faute de place et de personnel disponibles, ne durent jamais très longtemps.
Des patients non violents circulent également. Toujours accompagnés d'un parent, ils saluent l'infirmier-major, blaguent avec le directeur de la sécurité, et racontent à qui veut l'entendre les affres du jour : un complot politique, un problème d'érection, une vision du diable...
Comme tous les praticiens mauritaniens, le jeune psychiatre a étudié à l'étranger faute de cursus spécialisé disponible dans le pays: il vient tout juste de revenir du Sénégal et ne voit pas le temps passer tant l'hôpital est surchargé.
En sortant de son bureau après la dernière consultation de la journée, Dr. Abeidi affirme en souriant:
Même si on est un peu limité, on voit qu'il y a tout de même une amélioration par rapport aux années 1970.
Le mérite revient au Dr Dia Al Housseynou, aujourd'hui âgé de 83 ans, qui passe ses vieux jours en famille dans sa maison aux murs ornés de bougainvilliers dans le centre-ville de Nouakchott.
Il installe dans la cour de l'hôpital national des tentes traditionnelles du Sahara, des khaimas. Les familles peuvent y amener leurs proches malades pour des consultations. Et ça marche ! Trois ans plus tard, un service dédié est ouvert au sein de l'hôpital et, en 1990, le Centre des spécialités est inauguré.
Chargé de la sécurité, Ramadan Mohamed explique:
La politique de l'hôpital interdit cela, mais c'est à la discrétion de la famille d'attacher leur proche ou non.
Dans la chambre de Sidi, une chaîne a été tirée entre la fenêtre et son pied gauche.