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Des présidents africains applaudissent le discours du président chinois Xi Jinping (sans photo) lors de la cérémonie d'ouverture du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC) dans le Grand Hall du Peuple à Pékin, le 5 septembre 2024.
Entre offensive de séduction et renforcement de la coopération sino-africaine, le FOCAC est devenu un rendez-vous permettant à la Chine de renforcer sa diplomatie économique africaine et de se positionner comme un acteur majeur dans l’aspiration au développement du continent. Cette 9e édition n’a pas fait exception, entre engagements économiques ambitieux et les questions sécuritaires devenues une flèche de plus que la Chine entend ajouter à son arc diplomatique en Afrique.
Plus d’une vingtaine de Chefs d’Etat africains étaient au rendez-vous de la 9e édition du Forum sur la Coopération sino-africaine. Sous le thème "S’associer pour promouvoir la modernisation et construire une communauté d’avenir partagé Chine-Afrique de haut niveau", le Forum a tenu toutes ses promesses en termes de médiatisation, d’affluence mais aussi de promesses économiques, devant définir l’agenda économique de la Chine en Afrique pour les trois années à venir. Ce forum est devenu pour la Chine et les Africains l’occasion d’intensifier un partenariat Sud-Sud de plus en plus prisé par les pays en développement, duquel ils peuvent attendre une coopération plus équilibrée.
L’agenda diplomatique qui a découlé surtout de ce FOCAC est notamment l’annonce par le Président Xi Jinping, de
"dix Actions de partenariats sur la modernisation"
, pour
"approfondir la coopération sino-africaine et guider la modernisation du Sud global"
, et lesquels sont:1)l'Action de partenariat pour l'inspiration mutuelle entre civilisations, 2)l'Action de partenariat pour la prospérité du commerce, 3)l'Action de partenariat pour la coopération sur les chaînes industrielles, 4)l'Action de partenariat pour l'interconnexion, 5)l'Action de partenariat sur la coopération pour le développement, 6)l'Action de partenariat pour la santé, 7)l'Action de partenariat pour le développement de l'agriculture au bénéfice de la population, 8)l'Action de partenariat pour les échanges humains et culturels, 9)l'Action de partenariat pour le développement vert, et 10)l'Action de partenariat pour la sécurité commune.
A la veille du Forum qui s’est officiellement ouvert le 4 septembre, plusieurs réunions bilatérales ont été tenues entre Xi Jinping et les Chefs d’Etats africains présents à l’évènement. Au fil des années, depuis deux décennies surtout, la Chine est devenue un partenaire majeur pour plusieurs pays africains.
Elle est devenue le premier partenaire commercial du continent avec un volume des échanges commerciaux qui culmine à environ 282 milliards de dollars.
Seulement, selon le site China-Africa Projet, le déficit commercial entre la Chine et l’Afrique est passé de 46,9 milliards de dollars en 2022 à 64 milliards de dollars en 2023, les exportations vers l’Afrique sont passées de 164 milliards de dollars en 2022 à 172 milliards de dollars en 2023, et les importations de 117 milliards de dollars en 2022 à 109 milliards de dollars en 2023.
Ce déficit n’est pas passé inaperçu dans les projections du Président chinois.
"La Chine ouvrira plus largement son marché. Nous avons décidé d'accorder aux pays les moins avancés, ayant des relations diplomatiques avec la Chine, parmi lesquels figures 33 pays d'Afrique, une exemption de droits de douane pour toutes les catégories commerciales,"
a annoncé Xi Jinping dans son allocution lors du Forum. Cela pourrait être pour Pékin un levier plus convaincant pour participer à l’émergence économique du continent, puisque les investissements majeurs de la Chine en Afrique, portés par les banques publiques chinoises, notamment dans le cadre du Projet "la Ceinture et la Route" ont fait l’objet de critiques pour avoir creusé l’endettement de certains pays africains.
La Chine qui
"souhaite approfondir sa coopération avec les pays africains dans l'industrie, l'agriculture, les infrastructures, le commerce et les investissements"
, a aussi annoncé une aide d’environ 50 milliards de dollars pour les trois ans à venir, plus que les 40 milliards de dollars annoncés lors du FOCAC 2021 à Dakar. Cependant, avec le contexte du ralentissement de la croissance de l’économie chinoise et de la baisse des prêts chinois à l’Afrique, passés d’environ 30 milliards de dollars en 2016 à 4 milliards en 2023, cette promesse pourrait être difficile à tenir pour le géant asiatique.
Parmi les autres engagements économiques annoncés par la Chine en Afrique, on peut citer entre autres, une coopération sur les technologies numériques et la création en Afrique de 20 projets de démonstration du développement numérique, 30 projets d'interconnexion des infrastructures en Afrique, 1 000 projets de bien-être social, le soutien à l'organisation sur le continent des Jeux Olympiques de la Jeunesse d'Été en 2026 (à Dakar) et de la Coupe d'Afrique des Nations en 2027, ainsi que l’envoi de 2 000 professionnels médicaux et la réalisation de 20 projets d'infrastructures médicales et de lutte contre le paludisme.
L’assistance militaire au menu
Si le FOCAC s’oriente plus vers un agenda économique, la question politico-militaire a été un point non négligeable de cette 9e édition. Face aux menaces sécuritaires qui gangrènent le continent et le Sahel en l’occurrence, la Chine prend l’initiative de s’engager davantage sur cette question.
“La Chine entend instaurer avec l'Afrique un partenariat pour mettre en œuvre l'Initiative pour la sécurité mondiale. Celle-ci sera déployée sur le continent”
, s’est engagé Xi Jinping.
“Nous accorderons à l'Afrique des subventions d'un montant de plus de 14 milliards de dollars au titre de l'assistance militaire, nous assurerons la formation de 6 000 militaires et de 1 000 policiers et forces de l'ordre africains, et nous inviterons 500 jeunes militaires africains à visiter la Chine”
, a ajouté le leader chinois.
Une nouvelle approche de la coopération militaire entre la Chine et l’Afrique, un nouveau cadre géopolitique, qui pourrait renforcer la présence de Pékin sur le continent et sur les questions de sécurité.
La Chine qui compte déjà une base militaire à Djibouti (depuis 2017, la première base militaire chinoise en Afrique), avait jusque-là davantage orienté son partenariat militaire avec les pays africains, vers le renforcement technique, avec la vente d’armes et de drones ainsi que sa présence dans des missions onusiennes.
Cette Initiative pour la Sécurité Mondiale déployée en Afrique pourrait bien être aussi la réponse face à l’AFRICOM (Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique) du rival américain. D’autant plus qu’au Sahel en l’occurrence, les pays de l’AES ont choisi de se tourner vers d’autres partenaires dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, actant le départ des troupes occidentales.
De façon générale, la Chine a toujours perçu l’économie comme un outil de soft power. Les investissements majeurs, les entreprises chinoises, les infrastructures de grande envergure, entre autres, ont à bien des égards, permis à Pékin de renforcer son image en Afrique, d’être plus attractive aux yeux des leaders africains mais aussi du public. La diplomatie économique est devenue un outil majeur de la diplomatie publique chinoise et le FOCAC n’en fait pas exception.
Ce rendez-vous a d’abord une fois de plus, permis à la Chine d’exposer ses avancées technologiques, industrielles, économiques, infrastructurelles, numériques mais aussi agricoles. Une dimension du Forum qui s’inscrit dans la perspective d’être un modèle de développement aux yeux de l’Afrique.
Ensuite, la Chine se positionne en exemple pour les pays africains et ne manque pas d’ailleurs d’aspirer à un partage d’expérience avec le continent.
“La Chine bâtira avec l'Afrique une plateforme sino-africaine d'échanges d'expériences sur la gouvernance, un réseau Chine-Afrique de connaissances sur le développement et 25 centres d'études sur la Chine et l'Afrique”
, a notamment promis Xi Jinping lors de ce forum.
Ensuite, l’autre point phare du “soft power économique” de la Chine est le fait que ses investissements économiques en Afrique ne sont soumis à aucune conditionnalité. La Chine qui plaide plutôt pour une approche de non-ingérence dans la politique des autres pays, se différencie dans cette perspective des Etats-Unis qui ont souvent tendance à utiliser leurs partenariats économiques et des outils de coopération économique comme l’AGOA, à des fins politiques.
Une approche qui permet à la Chine de maintenir et de renforcer son influence et ses relations avec des pays comme le Zimbabwe, sous
des Etats-Unis et à qui Xi Jinping a promis une collaboration en termes d'
"investissements, de commerce, d'infrastructures, de ressources naturelles et dans d'autres domaines
", lors de sa rencontre avec le Président Emmerson Mnangagwa.
En somme, cette 9e édition du FOCAC a mis les projecteurs sur les relations fortifiées et diversifiées entre la Chine et l’Afrique. 25 Chefs d’Etats africains y ont pris part, symbolisant désormais la place de Pékin dans la cartographie des partenaires des pays africains. Ce Forum est devenu le rendez-vous majeur déterminant le futur des relations économiques entre la Chine et l’Afrique. Le success story autour du développement de la Chine est aujourd’hui un motif pour les pays africains de se tourner vers Pékin qui s’impose en exemple à suivre et devient un acteur majeur du marché mais aussi de la géopolitique africaine.
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