Envoi de la police kényane en Haïti: le déploiement de la mission multinationale en question

17:496/03/2024, Çarşamba
AFP
Le chef de gang armé Jimmy "Barbecue" Cherizier et ses hommes sont vus à Port-au-Prince, Haïti, le 5 mars 2024.
Crédit Photo : PORT-AU-PRINCE / AFP
Le chef de gang armé Jimmy "Barbecue" Cherizier et ses hommes sont vus à Port-au-Prince, Haïti, le 5 mars 2024.

Un accord de réciprocité entre le Kenya et Haïti, visant à envoyer des policiers kényans vers l'île ravagée par la violence des gangs, a fait naître l'espoir d'un prochain déploiement de la mission de paix multinationale dirigée par Nairobi et soutenue par l'ONU.

Mais le gouvernement kényan se heurte toujours à des obstacles juridiques. Quelles sont les perspectives du déploiement tant attendu de cette mission, soutenue financièrement par les États-Unis?


Quand peut débuter ce déploiement?


Le projet de déploiement a été contesté depuis son annonce par le gouvernement kényan. En janvier, il a été déclaré
"illégal"
par la haute cour de Nairobi.

Le juge Enock Chacha Mwita avait statué que le Conseil national de sécurité du Kenya - qui a autorisé la mission, avait uniquement le pouvoir d'envoyer des militaires à l'étranger, et non des policiers.

Le juge avait toutefois précisé que le gouvernement pourrait déployer des policiers dans un pays tiers s'il existe un accord de réciprocité.


Cet accord a été signé vendredi dernier à Nairobi en présence du Premier ministre haïtien Ariel Henry et du président kényan William Ruto, qui ont déclaré être
"prêts pour ce déploiement".

Ekuru Aukot, membre de l'opposition qui avait déposé une première requête l'année dernière, a déclaré qu'il allait de nouveau contester l'envoi de policiers kényans.


"L'ensemble de l'arrangement est secret et n'est pas conforme"
, a-t-il assuré.

"Le Kenya doit publier cet accord de réciprocité et cela signifie également que l'article 10 de la Constitution entrera en vigueur sur la participation du public",
poursuit cet avocat qui a participé à la rédaction de la Constitution de 2010.

L'accord est-il soutenu par la population?


La population du pays d'Afrique de l'Est s'interroge sur la pertinence de l'envoi de 1 000 policiers en Haïti, plongé dans une spirale de violences où les gangs contrôlent la majorité de la capitale Port-au-Prince.

"Nous luttons pour contenir les voleurs de bétail et les bandits dans le nord du Kenya avec peu d'armes. Comment allons-nous faire face aux gangs armés de mitrailleuses?",
s'interroge ainsi Patrick Achuya, coiffeur.

Jimi Wanjigi, membre de l'opposition, a de son côté appelé le président William Ruto à se rendre en Haïti avant d'envoyer des policiers kényans mal équipés dans une
"zone de guerre".

Le chef de l'État
"ne se soucie pas de risquer la vie de nos fils et filles des forces de police qui ne sont pas formés pour une telle mission en zone de guerre",
a-t-il accusé sur les réseaux sociaux.

Les ONG de défense des droits humains ont également pointé du doigt les abus commis par la police kényane lors de manifestations.

Le chef de la police kényane, Japhet Koome, a défendu son équipe comme étant prête à accomplir sa mission, déclarant lors d'une réunion gouvernementale qu'elle n'avait
"jamais échoué".

Quelle est la situation en Haïti?


La situation sécuritaire en Haïti est catastrophique. Un chef de gang a assuré qu'une
"guerre civile"
sanglante aura lieu si le Premier ministre Ariel Henry ne démissionne pas.

Les bandes criminelles, qui contrôlent la majorité de la capitale Port-au-Prince ainsi que les routes menant au reste du territoire, s'en prennent ces derniers jours à des sites stratégiques du pays pauvre des Caraïbes: académie de police, aéroport et plusieurs prisons, d'où ont pu s'évader des milliers de détenus.

Les groupes armés disent vouloir renverser le Premier ministre au pouvoir depuis l'assassinat en 2021 du président Jovenel Moïse et qui aurait dû quitter ses fonctions début février.


Et la nouvelle escalade des derniers jours a forcé 15 000 personnes à fuir leur domicile à Port-au-Prince, selon l'ONU qui a commencé à leur distribuer nourriture et produits de première nécessité.


Haïti, pays le plus pauvre des Amériques, est confronté à une profonde crise politique, humanitaire et sécuritaire aggravée par l'assassinat de Jovenel Moïse, avec un processus politique dans l'impasse totale.


Selon l'ONU, plus de 8 400 personnes ont été victimes de la violence des gangs l'année dernière, ayant été tuées, blessées ou enlevées,
"une augmentation de 122% par rapport à 2022".

À fin février, en plus du Kenya, cinq pays, dont le Bénin avec plus de 1 500 hommes, avaient notifié officiellement leur intention de participer à la mission sur le terrain.


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