Sénégal: les députés débattent d'amnistie en pleine crise politique

16:086/03/2024, mercredi
AFP
L'Assemblée nationale du Sénégal entame le débat sur la loi d'amnistie mercredi 06 mars 2024.
Crédit Photo : Média X / Archive
L'Assemblée nationale du Sénégal entame le débat sur la loi d'amnistie mercredi 06 mars 2024.

Les députés sénégalais ont commencé mercredi à examiner une amnistie des actes liés aux violences politiques des dernières années, texte très critiqué alors qu'il est censé dissiper les tensions en pleine crise autour du report de la présidentielle.

Un vote est attendu dans la journée. Les réticences devant un projet de loi décrié comme mettant à l'abri les auteurs de faits graves, y compris des homicides, ainsi que les calculs politiques rendent l'adoption incertaine.


L'amnistie des faits liés aux troubles politiques des trois dernières années est l'un des éléments de réponse du président Macky Sall à la crise provoquée par l'ajournement surprise de la présidentielle, l'une des plus graves traversées par le Sénégal depuis des décennies.

Le président Sall a causé un choc dans un pays présenté comme l'un des plus stables d'une Afrique de l'Ouest secouée par les coups de force, en décrétant le 3 février le report de l'élection initialement prévue le 25 février.


Le pays est depuis dans l'attente d'une date. Il est suspendu à une décision du Conseil constitutionnel susceptible de tomber à tout moment et potentiellement lourde de conséquences.


L'incertitude demeure totale sur le script politique dans l'éventualité où la présidentielle n'aurait pas lieu avant le 2 avril, expiration officielle du mandat de M. Sall.

Une loi d'amnistie pourrait ajouter à la confusion. La question de son application à l'opposant emprisonné Ousmane Sonko et de son éventuelle remise en selle dans la course électorale, et plus généralement celle d'un réexamen de la liste des candidatures validée en janvier par le Conseil constitutionnel, agite la classe politique.


Le projet amnistierait
"tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d'infraction criminelle ou correctionnelle commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu'à l'étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques",
selon le texte soumis mardi en commission.

Le rapporteur du texte, Abdoulaye Diagne, a précisé mercredi que les actes de torture étaient exclus du champ de la loi.

Le Sénégal a connu entre 2021 et 2023 différents épisodes d'émeutes, affrontements, saccages et pillages déclenchés notamment par le bras de fer entre l'opposant Sonko et le pouvoir.


M. Sonko, troisième de la présidentielle en 2019 et candidat déclaré en 2024, est détenu depuis juillet 2023 et a été disqualifié de la présidentielle. En février, le Sénégal a été la proie de nouveaux troubles après l'annonce du report de l'élection.

Des dizaines de personnes ont été tuées, des centaines blessées, des centaines d'autres interpellées.


"Non à l'amnésie"


L'amnistie vise à
"l'apaisement du climat politique et social",
dit la présidence. Dernière en date d'une série d'amnisties approuvées depuis l'Indépendance, elle couvrirait une période et des faits, mais ne serait pas nominative.

Des dizaines d'opposants pourraient recouvrer la liberté dès la publication de la loi au Journal officiel. De nombreux acteurs politiques et sociaux se dressent cependant contre le projet, s'indignant qu'aucun membre des forces de sécurité, ni aucun responsable gouvernemental n'auraient à rendre de comptes.


Une pleine page publiée mercredi dans la presse écrite par un "
Sursaut citoyen"
se réclamant d'un collectif de la société civile proclame:

Non à l'amnistie, non à l'amnésie, non au droit de tuer.

Le projet ne fait pas l'unanimité au sein du camp présidentiel, qui dispose d'une majorité précaire à l'Assemblée.


L'approbation préliminaire du texte mardi par une commission d'environ 25 députés a donné un aperçu des calculs auxquels pourrait donner lieu le vote. Le parti Pastef d'Ousmane Sonko, qui s'est presque systématiquement opposé aux projets présidentiels par le passé, s'est abstenu.


Le camp présidentiel s'assurerait une majorité plus confortable avec le soutien du Parti démocratique sénégalais (PDS).

Ce dernier a cependant dit lier son vote mercredi à celui du Pastef au nom d'une ancienne alliance aujourd'hui en lambeaux.


La disqualification du candidat du PDS Karim Wade a été l'un des éléments déclencheurs de la crise actuelle. M. Wade se bat toujours pour la réouverture de la liste des candidats.


L'amnistie a éclipsé provisoirement la querelle sur la date de l'élection. Une partie de la société civile et de l'opposition continue à exiger qu'elle ait lieu avant le 2 avril et la fin du mandat du président Sall. La société civile a appelé à un nouveau rassemblement mercredi à Dakar. Elle a peiné à mobiliser jusqu'à présent.


Le président Sall a, lui, reçu lundi les conclusions d'un "dialogue national" préconisant d'organiser la présidentielle le 2 juin et suggérant qu'il reste en fonction jusqu'à l'investiture de son successeur.

Le chef de l'État, élu en 2012 et réélu en 2019 mais non candidat en 2024, a indiqué qu'il comptait demander l'avis du Conseil constitutionnel.


À lire également:





#Sénégal
#élections
#présidentielle
#parlement
#lois
#amnistie
#troubles
#prisonniers politiques
#Ousmane Sonko
#Macky Sall
#Bassirou Diomaye Faye