Au Soudan en guerre, charrettes et ânes ont remplacé camions et ambulances

16:406/03/2024, Çarşamba
AFP
Un homme dirige sa voiture tirée par un âne, le mode de transport préféré des personnes et des marchandises, alors que les prix du carburant augmentent en raison des combats internes, dans l'État de Gedaref, dans l'est du Soudan, le 20 février 2024.
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Un homme dirige sa voiture tirée par un âne, le mode de transport préféré des personnes et des marchandises, alors que les prix du carburant augmentent en raison des combats internes, dans l'État de Gedaref, dans l'est du Soudan, le 20 février 2024.

Sur le parking d'un dispensaire du centre du Soudan, les ambulances et autres camionnettes ont disparu. À leur place, des ânes battent le pavé, dernier recours pour les malades du pays en guerre où l'essence est désormais inabordable.

"Nos carrioles sont le seul moyen d'amener des patients de leurs villages vers les hôpitaux"
de Tamboul, dans l'État d'A-Jazira, au sud de Khartoum gagné en décembre par la guerre, raconte Hussein Ali.

"Il y a une heure, j'ai amené avec mon âne une femme enceinte en plein travail d'un village à 15 kilomètres d'ici",
ajoute-t-il non sans fierté.

Avec sa charrette en bois, il est désormais roi sur les routes où des checkpoints sont tenus par des hommes en armes, où les stations-service n'ont plus d'essence et où des civils recherchent désespérément un moyen de transport pour échapper à la guerre qui a éclaté en avril dernier entre l'armée du général Abdel Fattah Al-Burhane et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohammed Hamdane Daglo.


Le conflit a fait des milliers de morts et environ huit millions de déplacés. Rien que dans l'État d'Al-Jazira, près d'un demi-million de personnes ont été déplacées, certaines pour la deuxième ou la troisième fois, souvent après un premier exil de Khartoum au cœur des combats.

Des millions d'autres, ne pouvant pas payer un moyen de transport, sont bloqués chez eux, confrontés aux pénuries, à la flambée des prix et aux épidémies.


Les FSR, des paramilitaires formés au combat dans la très sanglante guerre du Darfour dans les années 2000, terrorisent la population en se livrant à des pillages et des exactions, selon des témoins.


Extrême pauvreté


"Quand les FSR ont pris la zone, j'ai caché mon bus pour qu'ils ne me le volent pas",
raconte Al-Taher, qui refuse de donner son nom de famille par peur des représailles.

Depuis, il a troqué ses quatre roues contre les pattes d'un âne avec lequel il parcourt quotidiennement les 40 km séparant son village de Roufaa, localité au nord de la capitale d'Al-Jazira, Wad Madani.

"Même si je voulais utiliser mon bus, il n'y a plus aucune station-service fonctionnelle dans les environs",
assure-t-il.

Un pompiste du coin confirme, sous couvert d'anonymat: les camions de ravitaillement des autorités, loyales à l'armée,
"ont cessé d'approvisionner les stations d'Al-Jazira"
depuis l'arrivée des FSR.

Ce qui restait dans les cuves s'est vendu à prix d'or : le litre est passé de un dollar à 20 dollars.


Comme Al-Taher, Babiker a lui aussi investi dans une charrette et un âne, ne pouvant pas se permettre
"de ne pas travailler",
dit-il. Désormais,
"moins de 5% des Soudanais peuvent s'offrir un repas complet par jour"
dans ce pays d'Afrique de l'Est, selon le Programme alimentaire mondial (PAM).

Les éleveurs et vendeurs d'ânes, eux, ont vu leurs ventes exploser.


Bakri Khaled, lui, parcourt tous les jours cahin-caha 13 kilomètres sur une carriole tirée par un âne pour rejoindre le marché de Tamboul:
"Depuis que la guerre est arrivée ici, cette charrette est le seul moyen d'acheter des vivres pour garnir mon échoppe au village",
explique-t-il.

Avant la guerre déjà, l'ONU rapportait qu'un Soudanais sur trois devait marcher plus d'une heure pour trouver un établissement médical, où généralement moins de 30% des médicaments essentiels étaient disponibles.

Après plus de 10 mois de guerre, près des trois quarts des hôpitaux sont hors service, les malades et autres blessés se sentent encore plus abandonnés.


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