Il n'a pas 5 ans et pleure à vous déchirer le cœur. Sa mère le tire par la main. Il trébuche, pieds nus dans les cailloux, alors que quelques centaines de mètres derrière lui, des obus de mortiers explosent dans Bambo, bourg perdu dans les montagnes de l'est de la République démocratique du Congo.
Il est midi ce 26 octobre, le soleil est au zénith, et les rebelles du M23 viennent d'attaquer cette localité du territoire de Rutshuru, dans la province du Nord-Kivu.
Une énième rafale de mitrailleuse claque. Des familles entières se mettent à courir, ça se bouscule sur la piste. Pris de panique, des dizaines de militaires et policiers congolais accélèrent, tentent de doubler tout le monde, de sortir de cette foule pour ne pas être pris par les rebelles.
La file s'étire sur des kilomètres. Ils sont des milliers à fuir devant l'arrivée du M23.
À plusieurs reprises depuis fin 2022, les États-Unis et l'Union européenne ont demandé au Rwanda de cesser son soutien au M23. Des demandes restées sans effet, Kigali nie jusqu'à présent toute implication dans le conflit.
"Forts en embuscade"
Le M23 (Mouvement du 23 mars) est le produit de rébellions passées, proches de Kigali et Kampala, qui opéraient depuis la fin des années 1990 dans l'est de la RDC. En 2013, les rebelles du M23 sont défaits militairement et trouvent refuge chez leurs parrains rwandais et ougandais, où ils resteront en sommeil pendant près de 10 ans.
Selon plusieurs rapports de l'ONU, les actes de violence et les discours de haine à l'encontre des membres de la communauté tutsi en RDC ont augmenté concomitamment à la résurgence du M23.
À Bambo, les habitants se souviennent de la première arrivée des rebelles en novembre dernier. L'armée congolaise était en déroute, et le M23 s'était emparé en quelques heures de la ville et d'un gros village, Kishishe, à une dizaine de kilomètres au nord.
L'énergie du M23 à garder le contrôle de cette zone n'est pas sans raison : les collines autour de Bambo et Kishishe sont des bastions historiques des FDLR, les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda, un groupe armé créé par d'anciens hauts responsables du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994.
Bien que Kinshasa nie toute coopération avec les FDLR, à Bambo, ils marchaient côte à côte avec l'armée et d'autres milices supplétives.
"Délaissés"
En avril, sans raison apparente, le M23 s'était retiré et restait depuis à une vingtaine de kilomètres. Sur les lignes de front, dont celle de Goma, la capitale du Nord-Kivu à une soixantaine de kilomètres plus au sud, une trêve semblait observée depuis lors.
Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), la RDC compte actuellement le nombre record de 6,9 millions de déplacés, dont près d'un million dû au conflit avec le M23.