L'opposition sénégalaise crie au "coup d'Etat constitutionnel" après le report de la présidentielle au 15 décembre et le maintien du président Macky Sall probablement jusqu'en 2025, sans avoir pu empêcher un fait accompli qui entache selon elle la vitrine démocratique nationale.
L'Assemblée a adopté lundi soir, dans une atmosphère électrifiée par l'importance de l'instant, une proposition de loi qui parachève pour le moment l'une des plus graves crises institutionnelles qu'ait connues depuis l'indépendance en 1960 ce pays volontiers vanté pour sa stabilité et sa pratique démocratique dans une région troublée.
Outre le report, une alliance de 105 députés du camp présidentiel et de partisans du candidat recalé Karim Wade a approuvé le maintien à son poste du président Macky Sall jusqu'à l'installation de son successeur, très vraisemblablement en 2025 avec l'éventualité d'un second tour et les délais de passation de pouvoirs.
Après l'emploi de gaz lacrymogènes contre des manifestants à l'extérieur, les échanges d'insultes et les empoignades dans l'hémicycle, il aura fallu l'intervention des gendarmes pour évacuer les parlementaires d'opposition qui, massés autour de la tribune, faisaient physiquement obstacle au vote.
Nous sommes tous meurtris. C'est un coup à la démocratie sénégalaise.
C'est ainsi que s'exprimait Pape Djibril Fall, l'un des 20 candidats sélectionnés par le Conseil constitutionnel, avant que tout un processus électoral de plusieurs mois ne tourne au fiasco.
Retour à la case départ
M. Sall disait tirer les conséquences du conflit ouvert depuis plusieurs jours entre le Conseil constitutionnel et le Parlement après l'homologation définitive de vingt candidatures et l'invalidation de dizaines d'autres.
Le flou maintenu pendant des mois par le président Sall sur une nouvelle candidature en 2024 avait contribué aux crispations à l'époque. Il avait finalement annoncé en juillet 2023 qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat. Il a répété cet engagement samedi.
Recours annoncés
Mais l'ajournement de l'élection a aussitôt avivé le soupçon d'un plan du camp présidentiel pour éviter une défaite annoncée, voire pour prolonger la présidence Sall.
De nombreux partenaires étrangers du Sénégal ont exprimé leur inquiétude.
L'opposition et les candidats qualifiés n'ont pas pour le moment formé un bloc.
L'opposition a annoncé des recours devant la Cour constitutionnelle, mais les chances qu'ils prospèrent sont jugées aléatoires.