Sécheresse liée à El Niño: au Zimbabwe, les enfants pleurent de faim

11:265/06/2024, mercredi
MAJ: 5/06/2024, mercredi
AFP
Letwin Mhande (C), trente-six ans, mère de quatre enfants, attend son tour pour charger quatre seaux d'eau par famille et par jour à un puits communautaire à Epworth, un quartier informel à l'est de Harare, la capitale du Zimbabwe, le 23 mai 2024.
Crédit Photo : JEKESAI NJIKIZANA / AFP
Letwin Mhande (C), trente-six ans, mère de quatre enfants, attend son tour pour charger quatre seaux d'eau par famille et par jour à un puits communautaire à Epworth, un quartier informel à l'est de Harare, la capitale du Zimbabwe, le 23 mai 2024.

Macaroni et ragoût de soja sont bientôt prêts et déjà de jeunes enfants, des adolescents et quelques personnes âgées se hâtent de faire la queue: dans ce coin rural près de Harare, la capitale du Zimbabwe, la sécheresse liée au phénomène El Niño creuse les ventres.

Des femmes ont préparé la tambouille dans deux grandes marmites et distribuent une grande cuillerée de chaque aux petits qui tendent, très concentrés, leur assiette en plastique colorée. Ce déjeuner est pour beaucoup le seul repas de la journée.


Ce point de distribution, mis en place depuis janvier, est le cinquième monté par Samantha Muzoroki, une avocate de 39 ans. De nombreux parents ici avaient signalé que leurs enfants allaient au lit sans manger, en raison de la sécheresse qui a brûlé les récoltes.


Ces familles gagnent généralement leur vie comme travailleurs saisonniers dans les fermes des environs sauf que cette année, il n'y a pas eu de travail, car pas de cultures.

Laiwa Musenza, 54 ans et quatre grands enfants, confie à l'AFP qu'avant de venir ici,
"on mangeait seulement une fois par jour".

"Pour ceux qui ont des petits, c'est pire"
. Imaginez
"entendre ses enfants pleurer parce qu'ils ont faim et ne rien pouvoir faire"
, dit-elle à voix basse.

La Fondation Kuchengetana (prendre soin les uns des autres, en langue shona), fondée pendant la pandémie de Covid, fournit deux repas par jour à quelque 1 500 enfants.

Mais la gravité de la sécheresse est telle que l'avocate craint que son organisation ne soit submergée.
"Nous dépendons des dons, qui sont en baisse. Nous recevons 400 dollars chaque trimestre, ce qui représente moins de la moitié de nos besoins",
dit cette mère de deux garçons.

Et d'ajouter:


J'espère et je prie que la sécheresse, qui va nous affecter de différentes manières, ne nous poussera pas à fermer l'un de nos centres.

Trop fatigués pour l'école


Le Zimbabwe, avec notamment la Zambie voisine et le Malawi, est l'un des pays d'Afrique australe les plus touchés par la grave sécheresse liée au phénomène El Niño.


Ces trois pays, qui ont déclaré récemment l'état de catastrophe naturelle, sont confrontés à des pertes de récoltes considérables, entre 40 et 80 % de leur maïs ayant été décimé.


Au Zimbabwe, grenier à céréales de la région, les faibles pluies et la maigreur des récoltes ne permettent de nourrir qu'à peine plus de la moitié de la population, laissant 7,6 millions de personnes dépendant de l'aide, a déclaré en mai le président Emmerson Mnangagwa, estimant que son pays avait besoin de deux milliards de dollars pour faire face à l'urgence.


Le mois dernier, l'ONU a lancé un appel de 430 millions de dollars. Et l'Unicef a demandé 85 millions pour
"fournir des interventions vitales".

Il s'agit
"d'atténuer la mortalité, la malnutrition",
d'apporter des soins mais aussi d'assurer que les enfants restent à l'école et échappent à toutes formes
"d'abus et d'exploitation",
explique à l'AFP Nicholas Alipui, représentant Unicef dans le pays.

À Epworth, cité-dortoir à l'est de la capitale,
"on mange une fois à midi et avant de se coucher"
, explique Letwin Mhande, 36 ans et mère de quatre enfants.
"Parfois on n'a rien à manger pour les enfants, alors ils manquent l'école".

Son mari est au chômage et la famille survit des maigres ventes de son stand de fruits et légumes, installé devant sa maison.


"Les affaires tournent à vide. Peu de gens peuvent se permettre d'acheter autre chose que les aliments de base",
dit cette femme qui arrive, si elle a
"de la chance",
à ramener deux dollars par jour.

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