Thaïlande: un an après le massacre dans une crèche, la terreur toujours vive

11:343/10/2023, Salı
MAJ: 3/10/2023, Salı
AFP
La garderie qui a temporairement remplacé l'ancien centre, site d'une fusillade de masse dans une crèche le 6 octobre 2022 en Thaïlande. Crédit photo: LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP
La garderie qui a temporairement remplacé l'ancien centre, site d'une fusillade de masse dans une crèche le 6 octobre 2022 en Thaïlande. Crédit photo: LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP

Endormie sous une couette, Ammy a survécu à l'une des pires tueries de l'histoire de la Thaïlande. Un an après le massacre, elle joue sous la surveillance de caméras pour rassurer sa famille, toujours "terrifiée".

Le 6 octobre 2022, un ancien policier a tué 24 enfants, la plupart âgés de moins de 5 ans, et 12 adultes, dans un accès de violence long de trois heures qui continue de hanter la province de Nong Bua Lam Phu (nord-est).


L'attaque, au couteau et au fusil, a débuté dans une crèche puis l'assaillant, a poursuivi son périple meurtrier dans les rues du district de Na Klang, avant de se suicider chez lui.

Aujourd'hui, la crèche a été laissée à l'abandon, sans que personne n'ose toucher au bâtiment, les croyances liées aux fantômes sont tenaces dans le royaume bouddhique. Un nouveau centre doit ouvrir 250 mètres plus loin.


Paweenuch Supolwong, surnommée "Ammy", est l'une des deux enfants à avoir échappé au massacre.


Un an après, la fillette âgée de quatre ans a toujours peur des bruits d'explosion et des feux d'artifice.

"Elle va dire 'il y a encore une fusillade' et va me demander un câlin"
, indique Yupin Srithong, sa grand-mère.

Ammy est suivie par des caméras à la crèche comme chez ses grands-parents, une surveillance rassurante pour une communauté qui se sent toujours très vulnérable. Yupin Srithong explique:


Ça fait presque un an et je suis toujours terrifiée.

Le dispositif vidéo permet à la mère de la fillette, qui travaille à Bangkok, à quelque 500 kilomètres de là, de garder un oeil sur Ammy.


Peur


Beaucoup d'enfants de la région vivent avec leurs grands-parents. Dans le district de Na Klang, pauvre et rural, les parents doivent souvent partir loin pour subvenir aux besoins de leur famille.


"Les caméras m'aident à me sentir plus en sécurité"
, confie Nanticha Punchom, la directrice de l'établissement, qui était sur place au moment de l'attaque. Elle a survécu en courant, elle ajoute:

Je ne savais pas comment aider les enfants (...) Je dois me répéter que c'est terminé et essayer de ne plus y penser.

Dans l'une des maisons touchées par le drame, des jouets et des photos rappellent au quotidien la douleur de perdre un enfant.
"Je rêve de lui tous les jours"
, confesse Banyen Srichanil, en évoquant son petit-fils décédé, surnommé Stamp.

Elle repasse sur son téléphone des scènes de leur bonheur disparu: l'enfant qui fait du vélo, qui se brosse les dents...
"C'est comme une blessure ouverte"
, dit-elle.

Crédit photo: MANAN VATSYAYANA / AFP

L'incompréhension demeure sur les raisons qui ont poussé l'assaillant à attaquer une crèche.

Mais le drame vient rappeler de vieux démons qui minent la Thaïlande: l'addiction aux drogues, l'abondance d'armes à feu et de fortes inégalités économiques.


Drogues et armes à feu


Les premiers éléments de l'enquête ont montré que le meurtrier était sous l'emprise de méthamphétamines, une drogue du pauvre qui fait des ravages en Asie du Sud-Est, ce qui lui a valu d'être renvoyé de la police.


Le nouveau Premier ministre Srettha Thavisin a promis de renforcer la lutte contre les drogues illégales dans un pays inondé par la "meth" à bas prix.


Mais des attaques à main armée continuent de faire des victimes chaque semaine ou presque dans le royaume, sans que la situation n'ait beaucoup évolué depuis la tuerie de Nong Bua Lam Phu.

Le pays comptait en 2017 environ dix millions d'armes à feu, dont près de la moitié (4 millions) ne sont pas enregistrées auprès des autorités, selon le Small Arms Survey, un programme de recherche suisse.


Que l'assaillant ait pu garder son arme malgré son licenciement de la police et son addiction à la drogue interpelle également sur la responsabilité des forces de l'ordre.

L'absence d'obligation de rendre des comptes constitue
"un problème au sein de la culture de la police"
, explique Kritsanapong Phutrakul, un ancien officier de police devenu universitaire.

Des représentants de la police n'ont pas répondu aux sollicitations de l'AFP.


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