Ce second tour de la présidentielle s'annonce serré entre deux candidats déjà opposés en 2017, quand M. Weah l'avait emporté avec plus de 61%.
Parmi les électeurs qui se sont présentés devant les bureaux à Monrovia bien avant leur ouverture, Taiyee Success Iledare, étudiant de 22 ans, ne cache pas sa préférence.
"Mon candidat, c'est George Weah. Regardez autour de vous, les signes de développement"
, dit-il devant un bureau ouvert dans une école de Duazon, dans la banlieue de Monrovia.
Irene Palwor Age, une commerçante de 41 ans, voit les choses différemment.
"Mon candidat, c'est JNB (M. Boakai). Il amènera le changement. JNB va créer des emplois pour
les femmes et les jeunes"
.
M. Weah, 57 ans, et M. Boakai, 78 ans, sont arrivés au coude-à-coude au premier tour le 10 octobre avec un peu plus de 43% et une avance de 7.126 voix pour le président sortant.
Au-delà du choix de la personne qui dirigera ce pays pauvre de cinq millions d'habitants en quête de paix et de développement, après les années de conflit et d'épidémie d'Ebola, l'un des enjeux est le déroulement pacifique et régulier de l'élection et l'acceptation des résultats.
Cette élection est la première organisée sans la présence de la mission des Nations unies au Liberia créée en 2003 (et partie en 2018) pour garantir la paix après les guerres civiles qui ont fait plus de 250.000 morts entre 1989 et 2003 et dont le souvenir reste vivace.
L'élection
"représente sans aucun doute une étape cruciale dans la consolidation de la paix et de la démocratie au Liberia et dans la région"
, a dit l'ONU dans un communiqué récent.
Plus de 2,4 millions d'électeurs sont invités à se prononcer de 8H00 à 18H00 (locales et GMT) entre un sortant qui reste populaire parmi les jeunes mais doit défendre un bilan critiqué, et un vieux routier qui fut de 2006 à 2018 le vice-président d'Ellen Johnson Sirleaf, première femme élue cheffe d'Etat en Afrique. M. Boakai a occupé une multitude de postes au sein de l'Etat ou du secteur privé, mais son âge est considéré comme un handicap.
La commission électorale a 15 jours pour publier les résultats, mais l'affaire pourrait prendre moins de temps, dit un de ses responsables, Samuel Cole.
L'entre-deux-tours a surtout consisté pour les deux camps à obtenir le ralliement des électeurs des 18 autres candidats, dont aucun n'a atteint 3%.
Le taux de participation pourrait aussi être un facteur important, dit à l'AFP Lawrence Yealue, directeur pour le Liberia d'Accountability Lab, un réseau pour la bonne gouvernance. Il prévoit un taux plus faible que le record du 10 octobre (78,86%) parce que le vote ne sera pas couplé cette fois aux élections parlementaires.
M. Weah conserve son aura d'unique Africain désigné Ballon d'or, la plus prestigieuse récompense individuelle du foot. L'ancien gamin des bidonvilles de Monrovia a l'image d'un homme abordable et pacifique.
Il se réclame de son action en faveur de l'éducation et de l'électrification des foyers, de la construction de routes et d'hôpitaux. Il promet de continuer à œuvrer au développement d'un des pays les plus pauvres de la planète.
M. Weah a dirigé le pays pendant la pandémie de Covid-19 et la crise économique.
Ses détracteurs lui reprochent de n'avoir pas tenu ses promesses. Ils l'accusent d'être déconnecté des réalités de ses concitoyens qui se débattent avec hausses des prix et pénuries.
M. Boakai, qui lui impute l'aggravation d'une corruption réputée endémique, promet de développer les infrastructures, d'attirer les investisseurs et les touristes, et d'améliorer la vie des plus pauvres.
Il a noué des alliances avec des barons locaux, dont l'ancien chef de guerre et sénateur Prince Johnson, qui avait soutenu M. Weah il y a six ans.
Des affrontements pendant la campagne ont fait plusieurs morts et fait craindre des violences post-électorales. Les deux camps se sont accusés de violences et d'intimidations entre les deux tours. Le camp de M. Boakai a dénoncé des irrégularités lors du premier tour.
La campagne a aussi été marquée par de la désinformation.
La Communauté des États ouest-africains (CEDEAO)
"met en garde tout le monde quant au fait (qu'elle) tiendra les auteurs de troubles, d'appels à la haine et de violences pour responsables de leurs agissements"
, a-t-elle dit dans un communiqué avant le vote.
Les États-Unis, important partenaire du Liberia, ont prévenu qu'ils exploraient l'éventualité de restreindre la délivrance de visas contre les personnes
"coupables ou complices d'agissements sapant la démocratie".