"On a peur, mais où aller?" Les maisons en planches s'enchevêtrent sur les collines de Bukavu, une grande ville de l'est de la RD Congo, dans un amoncellement précaire hérité des guerres et désormais vulnérable aux déluges de pluie du changement climatique.
Jusqu'en mars dernier, il y avait des locataires au premier étage de sa maison de bois. Mais ils sont partis, paniqués, quand une coulée de boue a emporté une portion du grand escalier en ciment qui traverse le quartier en pente, à côté de son logement.
Sa voisine Isabelle Zaninga, 38 ans, dont la maison semble plus stable, abrite deux ou trois familles quand les éléments se déchaînent. La crainte des éboulements est encore plus grande depuis que des pluies torrentielles ont fait plus de 400 morts début mai dans le territoire de Kalehe, au nord de Bukavu.
Comme des milliers d'autres familles, elle a fui son village pour échapper aux violences des groupes armés qui pullulent dans l'est de la République démocratique du Congo depuis les conflits régionaux des années 1990-2000.
En arrivant à Bukavu, ces déplacés, sans moyens, ont cherché à se loger dans les quartiers les moins chers, sur de minuscules parcelles. L'exode rural a continué, l'urbanisation anarchique s'est accentuée.
Maisons au cimetière
Depuis une vingtaine d'années, un nouveau quartier est même né dans une partie du grand cimetière de la ville, au-dessus de la rivière Ruzizi qui marque la frontière avec le Rwanda.
Fondée au tout début du XXe siècle sur la rive sud du lac Kivu par les colons belges, Bukavu, ex-Costermansville, a été conçue pour environ 100.000 habitants, explique Elvis Mupenda, rapporteur de la société civile locale.
Les arbres ont presque tous disparu et le centre-ville est asphyxié par les embouteillages.
Pas les moyens
Faustin Buroko, chef du quartier Nyakaliba, chiffre à 65.000 le nombre de ses administrés et tient la comptabilité des sinistres: de septembre 2021 à décembre 2022, il en a enregistré 360 et, de janvier à mai 2023, 270.
Ces sinistres sont soit des incendies qui dévorent les maisons en bois, soit des éboulements.
Robert Banywesize, fonctionnaire de 45 ans, montre le mur de soutènement tombé à l'arrière de sa maison. La moitié du sol de son salon, qu'il a pavé de grosses pierres, s'est affaissée. Plus rien n'est d'équerre chez lui.
On nous a dit de partir, mais sans indemnisation, comment faire?
A deux parcelles de là, une maison de bois à un étage penche dangereusement.
A l'intérieur habite un jeune couple, avec un enfant de 16 mois. Face au danger, le propriétaire, frère ainé du mari, est parti. Mais Justin et Sarah, 32 et 24 ans, ont pris la place.