La Cour d'assises spécialement composée examine cette semaine à Paris, l'implication de plusieurs mis en cause dans l'attentat qui a coûté la vie à Samuel Paty le 16 octobre 2020.
Après s'être focalisée sur les cas d'Azim Epsirkhanov, Naïm Boudaoud (deux ancien amis du terroriste Abdoullakh Anzorov), Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui (les auteurs de vidéos dénonçant la diffusion de caricatures du prophète Mohammed), la justice s'efforce d'établir le degré d'implication des quatre derniers accusés.
Dans ce dernier volet d'un procès historique, les quatre accusés, qui ont tous été en communication avec Abdoullakh Anzorov sur les réseaux sociaux, sont soupçonnés de lui avoir apporté un soutien idéologique.
De fait, l'enquête s'est focalisée sur leur éventuelle radicalisation et dépeint des jeunes, acquis à des thèses religieuses violentes et radicales.
Mi-novembre déjà, la SDAT avait laissé transparaître les lacunes de son raisonnement concernant Azim Epsirkhanov et Naïm Boudaoud, donc les expertises psychologiques écartent formellement la radicalisation.
La veille, c'est Azim Epsirkhanov qui avait eu à faire les frais de questionnements très peu compréhensibles de la part du ministère public.
L'accusé a alors expliqué que cette phrase est liée à la mort d'un de ses amis, fin septembre 2020.
Mais les expertises qui ont été passées par Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov durant leur passage en quartier d'évaluation de la radicalisation, en prison, viennent balayer les allusions de certains avocats des parties civiles et du parquet.
Quelques jours plus tard, un agent de la SDAT, venu témoigner du profil d'Abdelhakim Sefrioui, a lui aussi été mis en difficulté par les questions des avocats du prévenu, poursuivi pour des faits d'association de malfaiteurs terroriste pour avoir notamment publié une vidéo mettant en cause Samuel Paty.
Après avoir dépeint un militant au profil inquiétant, proche des Frères musulmans, acquis à des thèses radicales et violentes dans la sphère privée, l'enquêteur a eu bien du mal à étayer ses propos, par ailleurs, largement contredits par les proches de Sefrioui.
De leur côté, Louqman Ingar, de Yucuf Cinar et de Priscilla Mangel, clament leur innocence et assurent n'avoir jamais eu connaissance du projet terroriste d'Abdoullakh Anzorov. Ils affirment tous les trois qu'ils n'ont jamais été radicalisés.
Interrogée mercredi par la Cour, Priscilla Mangel, qui est la seule femme à comparaître dans ce procès, avait communiqué avec l'assaillant dans les jours qui ont précédé l'attentat, sur le réseau social X.
Mais je n'ai jamais eu d'idéologie, j'ai une croyance, une pratique, elle peut paraître rigoriste, mais je ne suis pas radicalisée.
Sur les huit accusés, seul Ismail Gamaev a reconnu les faits en expliquant avoir été radicalisé et avoir envisagé de partir vers une zone de combat, avant de cheminer vers un autre mode de pensée, au cours de son incarcération.
Et pour cause, quatre ans après les faits, la justice doit déterminer les responsabilités des huit accusés, dans l'assassinat, le 16 octobre 2020, de Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie au collège du Bois d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine, décapité à la sortie des cours par un ressortissant russe, d'origine tchétchène, âgé de 18 ans.
Son bourreau, Abdoullakh Anzorov, abattu dans la foulée par les forces de l'ordre, reprochait à l'enseignant d'avoir montré à ses élèves, des caricatures issues du journal satirique Charlie Hebdo et mettant en scène le prophète Mohammed nu.
L'attentat avait provoqué une onde de choc dans tout le pays, et le nom de Samuel Paty fait depuis office de symbole. Six mineurs ont déjà été condamnés par le tribunal pour enfants, au terme d'un procès intervenu fin 2023.
Au cours des sept semaines prévues pour ce procès présidé par un juge assisté de quatre assesseurs, le rôle des huit accusés âgés de 22 à 65 ans, dont cinq comparaissent détenus, est examiné en détail pour déterminer les responsabilités de chacun, conformément à un arrêt de mise en accusation daté du 13 septembre 2023.
Tous deux âgés respectivement de 23 et 22 ans, sont soupçonnés d'avoir aidé le tueur de Samuel Paty, en l'accompagnant dans l'achat d'armes mais nient avoir eu connaissance du projet terroriste. Naim Boudaoud l'a, par ailleurs, déposé sur les lieux de l'attentat.
Brahim Chnina et Abdelhakim Sefrioui, âgés de 52 et 65 ans et tous deux également détenus depuis les faits, ont à répondre à des accusations d'association de malfaiteurs terroriste.
Dans le détail, Abdoullakh Anzorov, qui n'était aucunement lié à l'établissement ni à Samuel Paty, a vraisemblablement eu connaissance des faits suite à la polémique engendrée par la diffusion d'une vidéo, devenue virale et diffusée par Brahim Chnina, l'un des parents d'une élève, dénonçant la démarche du professeur d'histoire-géographie.
Leurs vidéos génèrent de très nombreux commentaires, et le nom de l'enseignant ainsi que celui de son établissement sont finalement divulgués, permettant à Abdoullakh Anzorov de l'identifier, le localiser, avant de se rendre sur les lieux pour le décapiter.
Le premier a notamment relayé le message de revendication de l'attentat ainsi que la photo de Samuel Paty décapité, le second est accusé d'avoir conforté son procès d'assassinat et d'avoir publié des messages de satisfaction après l'annonce de la décapitation de Samuel Paty. Le troisième, également âgé de 22 ans, comparait libre mais sous contrôle judiciaire pour avoir participé aux groupes Snapchat et évoquait un éventuel départ vers des zones de guerre pour y rejoindre une organisation terroriste.
Priscilla Mangel, la seule femme à comparaître devant la Cour d'Assises spéciale, est pour sa part âgée de 36 ans. Il lui est reproché d'avoir longuement et régulièrement échangé avec le terroriste en le confortant dans son projet.