L'exil de l'ex-Première ministre du Bangladesh vire au casse-tête diplomatique pour l'Inde

12:512/09/2024, понедельник
AFP
L'ancienne première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina.
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L'ancienne première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina.

Quatre semaines à peine après sa fuite précipitée du Bangladesh en hélicoptère, l'ex-Première ministre Sheikh Hasina, 76 ans, est déjà devenue une hôte encombrante pour le gouvernement indien, relèvent les analystes.

Le 5 août, la fille de Mujibur Rahman, héros de l'indépendance du pays assassiné en 1975, n'a eu d'autre choix que d'abandonner son palais à la foule des manifestants réclamant la fin de son règne autoritaire pour fuir en Inde. Les étudiants à la tête de ce soulèvement exigent désormais de l'Inde, son principal soutien diplomatique depuis 2009, son retour au Bangladesh pour répondre de la répression meurtrière des manifestations de l'été.


L'exil de Sheikh Hasina a ravivé les tensions entre New Delhi et le gouvernement intérimaire du prix Nobel de la Paix Muhammad Yunus, sous forte pression de l'opposition de l'ex-cheffe du gouvernement.

"Il serait bien plus simple pour Dacca d'avancer (...) avec un gouvernement (indien) qui n'accueille plus Sheikh Hasina"
, fait remarquer à l'AFP Michael Kugelman, du groupe de réflexion Wilson Center. Mais expulser la
"begum"
- titre honorifique pour une femme musulmane de haut rang - de 76 ans pourrait affecter les relations de l'Inde avec ses autres voisins d'Asie du Sud, à un moment où le pays le plus peuplé du monde cherche à y contrer l'influence chinoise.

"Bon message"


"Il est clair que l'Inde ne souhaite pas l'extrader"
, relève auprès de l'AFP Thomas Kean, de l'International Crisis Group.
"Cela n'enverrait pas un bon message à ses alliés de la région (...) qui pourraient douter de la volonté de l'Inde de les protéger."

L'an dernier, New Delhi a subi un revers avec la défaite de son favori à l'élection présidentielle aux Maldives face à un adversaire clairement pro-chinois. Avec la chute de Sheikh Hasina, l'Inde a perdu sa plus fidèle alliée dans la région.


Au Bangladesh, les victimes de son règne rendent New Delhi coresponsable des atteintes aux droits humains qu'ils attribuent au gouvernement Hasina.


Le Premier ministre ultranationaliste indien Narendra Modi, qui a fait de la promotion de la cause hindoue sa priorité absolue, a toutefois exhorté le gouvernement intérimaire de M. Yunus à protéger sa minorité hindoue. Lors d'un discours pour la fête de l'Indépendance en août, il a suggéré qu'elle pouvait être menacée.

Dans le chaos qui a suivi la chute du régime Hasina, des Hindous du Bangladesh et quelques temples dédiés à leur foi ont fait l'objet d'attaques, aussitôt condamnées par le gouvernement intérimaire et les étudiants bangladais. Mais certains médias indiens proches du gouvernement Modi n'ont pas hésité à souffler sur les braises de ces violences, provoquant des manifestations de nationalistes proches de Narendra Modi.


"Abriter l'autocrate"


Fakhrul Islam Alamgir, un dirigeant du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) d'opposition, regrette le soutien exclusif de l'Inde à Sheikh Hasina.
"Le peuple du Bangladesh souhaite vivre une relation apaisée avec l'Inde mais pas au prix de ses intérêts"
, affirme-t-il à l'AFP. "Malheureusement, l'attitude de l'Inde ne favorise pas la confiance."

La méfiance entre les deux voisins s'est accrue au point que certains Bangladais ont accusé l'Inde d'être responsable des inondations qui ont récemment causé plus de 40 morts dans le pays.
"Notre soi-disant amical voisin ne se contente pas d'abriter l'autocrate Hasina, en plus il nous inonde"
, a lancé un manifestant lors d'un rassemblement à l'université de Dacca.

Le ministère indien des Affaires étrangères, où les mêmes inondations ont fait une vingtaine de morts, a dû démentir que les lâchers d'eau de ses barrages en soient la cause. À ce jour, le gouvernement de Dacca ne s'est pas publiquement exprimé sur l'exil indien de Sheikh Hasina. Cependant, il a annulé son passeport diplomatique, l'empêchant ainsi de quitter l'Inde.

Les deux pays ont signé en 2013 un traité autorisant l'extradition de l'ex-cheffe du gouvernement. Une de ses clauses stipule toutefois qu'elle peut être refusée si elle vise un crime ou un délit
"de nature politique"
.

Ex-ambassadeur indien au Bangladesh, Pinak Ranjan Chakravarty estime que la relation entre les deux pays est trop importante pour que Dacca la mette en péril à cause du sort de Sheikh Hasina.
"Tout gouvernement sensé est conscient que faire du retour de Hasina une priorité ne lui apportera aucun bénéfice"
, tranche-t-il.

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