Le Parlement sud-africain, pas remis d'un incendie, reflet des troubles du pays

12:5831/12/2023, dimanche
AFP
 De la fumée s'échappant de l'Assemblée nationale, la chambre principale du Parlement sud-africain, après qu'un incendie qui s'était déclaré la veille ait repris, le 3 janvier 2022, au Cap.
Crédit Photo : RODGER BOSCH / AFP
De la fumée s'échappant de l'Assemblée nationale, la chambre principale du Parlement sud-africain, après qu'un incendie qui s'était déclaré la veille ait repris, le 3 janvier 2022, au Cap.

Poutres calcinées et tuiles éparses dépassent encore du toit éventré du Parlement sud-africain, au Cap, deux ans après un incendie dévastateur. Ces cicatrices, en partie cachées derrière la monumentale façade blanche et rouge, symbolisent pour beaucoup les maux du pays à l'aube d'une année électorale.

La reconstruction a été lente et les 400 députés de l'Assemblée ont été contraints de s'installer dans une salle plus petite au Cap, qui ne peut accueillir que 170 d'entre eux. 


Une enquête sur l'incendie criminel, commis par un homme déclaré inapte à être jugé, a mis en évidence de nombreuses défaillances de sécurité, notamment que les gardes dormaient à leur poste.


L'incendie et ses conséquences mettent en évidence un
"Etat défaillant"
qui ne peut maintenir les services de base, ignore les normes de sécurité et où la planification est
"en lambeaux"
, affirme le politologue Sandile Swana. 

Tout cela crée une atmosphère de précarité et d'insécurité générale.

La reconstruction commencera en janvier pour une durée de deux ans, conformément aux
"délais annoncés",
selon le porte-parole du Parlement, Moloto Mothapo.

Il a fallu deux ans pour obtenir financements et autorisations, débarrasser les décombres et les objets à sécuriser et préparer le chantier, a-t-il ajouté.


Aspirations calcinées


L'année 2024 marquant les trois décennies de l'avènement de la démocratie post-apartheid, la date du début des travaux est chargée de symbole. M. Mothapo assure que la rénovation permettra d'accoucher d'un Parlement
"restauré et amélioré".

"L'institution n'est pas que de la brique et du mortier. Elle porte les espoirs, les aspirations et l'avenir"
des Sud-Africains.

Mais les délais accumulés suscitent de la colère.


"Nous sommes tous d'accord pour dire que ce processus a été très long et frustrant",
a déclaré cette année Siviwe Gwarube, leader parlementaire du principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA), devant une commission parlementaire.

Il avait fallu plus de 48 heures pour maîtriser le brasier déclaré le 2 janvier 2022. Le feu, qui n'a fait aucune victime, a causé 120 millions de dollars de dégâts. Il a aussi détruit une chambre théâtre de moments historiques, comme l'annonce par le président Frederik de Klerk de la libération de Nelson Mandela après 27 ans de bagne en 1990. 


Selon Moloto Mothapo, le bâtiment rénové comportera
"des éléments supplémentaires de modernité"
et abritera une chambre plus grande capable d'accueillir une séance conjointe des deux chambres du Parlement.

Les députés qui ne font pas partie des 170 sièges attribués doivent actuellement participer aux débats à distance, en ligne. 


Cela nuit à la transparence, a déclaré Brett Herron, du petit parti d'opposition GOOD.
"Le Parlement ne fonctionne pas comme il le devrait"
, a-t-il déclaré.
"Il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce que les Sud-Africains acceptent cet arrangement pendant encore deux ans, au moins." 

Selon Dianne Kohler Barnard (DA), la réduction des effectifs présents a fait disparaître
"ce dynamisme, ce sentiment d'agitation et d'action pour faire avancer les choses". 

Les Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale), deuxième parti d'opposition, avaient suggéré de déménager le parlement à Pretoria, où siège le gouvernement, avant de faire marche arrière.


"Négligence et incompétence"


Les parlementaires se demandent toujours comment Zandile Christmas Mafe, 50 ans, a pu pénétrer dans le Parlement lors de cette nuit fatidique. Un tribunal a depuis statué qu'il ne pouvait être jugé en raison de sa schizophrénie.


Les audiences du tribunal et un rapport parlementaire ont révélé une série de défaillances dans la sécurité et l'entretien du bâtiment.


Des images de vidéosurveillance sidérantes ont montré Mafe errant dans l'enceinte du Parlement pendant plus de 24 heures sans être détecté, avant d'asperger d'essence cartons et journaux.


Les agents chargés de surveiller les caméras de surveillance dormaient. Le système incendie n'a pas détecté les flammes et les extincteurs automatiques n'ont pas fonctionné. 


La DA a qualifié ces échecs de
"quintessence"
du règne du Congrès national africain (ANC), marqué, selon le parti d'opposition,
"par la négligence et l'incompétence". 

Au pouvoir depuis 1994, l'ANC pourrait, selon les sondages, obtenir moins de 50% des voix l'an prochain, en raison d'une grogne croissante face à la corruption, la mauvaise gestion et un chômage endémique.

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