Kenya: la police a agi illégalement en tuant un journaliste pakistanais, selon la justice

18:148/07/2024, Pazartesi
AFP
Des membres de la police kényane sont vus postés à l'extérieur de State House à Nairobi le 27 juin 2024.
Crédit Photo : SIMON MAINA / AFP
Des membres de la police kényane sont vus postés à l'extérieur de State House à Nairobi le 27 juin 2024.

Un tribunal kényan a jugé lundi que la police avait agi illégalement en abattant un journaliste pakistanais en 2022, selon un communiqué.

Arshad Sharif, un critique virulent de la puissante armée pakistanaise et partisan de l'ex-Premier ministre pakistanais Imran Khan, avait été tué d'une balle dans la tête lorsque la police kényane avait ouvert le feu sur sa voiture en octobre 2022.


Sa veuve, Javeria Siddique, et deux organisations kényanes de défense de la presse avaient déposé plainte l'an dernier contre de hauts responsables de la police et de la justice pour
"l'assassinat arbitraire et illégal"
de M. Sharif ainsi que pour leur
"échec à mener une enquête adéquate"
.

Lundi, la Haute Cour de Kajiado, une ville située au sud de Nairobi, a rejeté les affirmations de la police selon lesquelles il s'agissait d'une erreur d'identification et que les policiers auraient tiré en pensant viser une voiture volée impliquée dans une affaire d'enlèvement.

"L'usage de la force létale contre Sharif, en l'abattant d'une balle dans la tête, était illégal et inconstitutionnel"
, a déclaré la juge Stella Mutuku.

Et d'ajouté:


Les autorités ont violé le droit fondamental de Sharif à la vie.

La cour a ordonné au gouvernement de verser 10 millions de shillings (environ 72 000 euros) de dédommagements.


"Un précédent majeur"


L'avocat de la veuve du journaliste, Ochiel Dudley, a reconnu auprès de l'AFP qu'il s'agissait d'
"un précédent majeur en matière de responsabilité de la police".

La juge kényane a également statué que le Bureau du directeur des poursuites pénales (le procureur général) ainsi que l'Autorité indépendante de surveillance de la police avaient violé les droits de M. Sharif en ne poursuivant pas les deux policiers qui lui ont tiré dessus, a assuré l'avocat.

La cour a donc ordonné à ces deux institutions de conclure leurs enquêtes et de poursuivre les deux policiers.


Mme Siddique, qui suivait le procès depuis la capitale pakistanaise, Islamabad, a salué la décision judiciaire.


"Finalement, une certaine justice a été rendue. Ceux qui tuent un journaliste ne peuvent échapper à la justice",
a-t-elle déclaré.

Arshad Sharif avait fui le Pakistan en août 2022, quelques jours après avoir interviewé un haut responsable de l'opposition qui avait déclaré que les jeunes officiers de l'armée pakistanaise devraient désobéir aux ordres contraires à la volonté de la majorité.

"Dans mon pays aujourd'hui, il n'y a aucune liberté de la presse",
a déploré Mme Siddique, ajoutant qu'elle n'était "pas optimiste" quant à la possibilité d'obtenir justice au Pakistan.

Le Pakistan est classé au 152ème rang sur 180 pays dans le classement de la liberté de la presse établi par l'ONG Reporters sans frontières (RSF), en raison notamment de la censure et des intimidations subies par les journalistes.

Le pays a été dirigé par l'armée pendant plusieurs décennies de son histoire vieille de 75 ans. La critique de ses élites sécuritaires y a longtemps été vue comme une ligne rouge.


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