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Le Président kenyan William Ruto.
Le mouvement pacifique de mobilisation mené par la jeunesse au Kenya contre un projet gouvernemental prévoyant de nouvelles taxes, désormais retiré, a progressivement sombré dans la violence. Des dizaines de personnes ont été tuées par la police et des scènes de pillages, menées selon les manifestants par des "voyous" infiltrés, ont été rapportées lors des dernières journées de mobilisation. Quel est l'avenir du mouvement et quelle est la marge de manœuvre du président William Ruto?
Les manifestations ont été déclenchées il y a deux semaines par le projet de budget 2024-25 prévoyant de nouvelles taxes. Elles ont pris de court le gouvernement. La mobilisation pacifique née sur les réseaux sociaux à l'initiative de la "Génération Z" (jeunes nés après 1997) a sombré dans la violence dans la capitale Nairobi et ailleurs dans le pays.
Le 25 juin, des manifestants ont pris d'assaut le Parlement et la police a tiré à balles réelles sur la foule. Au moins 39 personnes sont mortes, selon l'agence officielle de protection des droits humains (KNHCR).
Une nouvelle journée d'action mardi a dégénéré, avec des scènes de pillage et des dégâts matériels signalés dans plusieurs villes du pays. La police a annoncé avoir arrêté plus de 270 personnes soupçonnées d'avoir commis des actes criminels.
Comment le président a-t-il réagi?
Au lendemain de la journée du 25 juin, William Ruto a annoncé le retrait du projet de budget et appelé à un dialogue avec la jeunesse. Mais il a aussi accusé certains manifestants d'être des "criminels" et affirmé que la police "a fait de son mieux" pour maintenir l'ordre, contribuant à jeter de nouveau de l'huile sur le feu, selon des analystes.
"Il y a un sentiment général selon lequel Ruto fait la sourde oreille concernant l'inquiétude de la population et l'ampleur de la crise",
estime Declan Galvin, du cabinet de conseil Exigent Risk Advisory.
"Sans changement de cap dans les prochains jours, l'ascension spectaculaire de Ruto et sa carrière politique pourraient dérailler",
prévient-il.
La contestation se poursuit-elle?
De nombreux manifestants partagent des messages annonçant de nouvelles journées d'action pacifiques et appellent à la démission de Ruto. Mais la situation sur le terrain est différente. Ce qui était annoncé mardi comme une journée de manifestations pacifiques a dégénéré en échauffourées entre de jeunes hommes et la police faisant usage de tirs de gaz lacrymogène.
Selon une figure du mouvement de contestation, Hanifa Adan, les manifestations ont été infiltrées par des
Une autre manifestation est prévue jeudi, mais certains manifestants ont dit mercredi à l'AFP qu'ils n'étaient pas sûrs de redescendre dans la rue, certains suggérant que le mouvement se poursuive désormais sur les réseaux sociaux.
Quelle est la situation pour Ruto?
Les manifestations ont mis sur le tapis des problèmes auxquels le Kenya est confronté depuis longtemps, soulignent les analystes. Principalement déclenchée par la crise du coût de la vie, la colère de la population s'est ensuite déplacée vers la réponse musclée de la police.
Des informations mardi soir selon lesquelles les parlementaires allaient bénéficier d'une hausse de salaire annuel pourraient faire encore évoluer le mouvement.
"Ce mouvement né de griefs socio-économiques liés au projet de budget évolue vers quelque chose de plus antigouvernemental"
, selon Declan Galvin.
Selon cet analyste, le président pourrait décider d'un remaniement gouvernemental et annoncer des suppressions de taxes comme le demandent les manifestants. Mais selon Gabrielle Lynch, de l'Université de Warwick, Ruto a la réputation de vouloir faire front contre l'adversité.
"Il n'a pas l'air de vouloir changer sa façon d'être et semble penser qu'il va résister à la tempête et qu'il verra le déclin des manifestations comme une preuve de cela".
Même si le nombre de manifestants dans la rue diminue, la puissance du mouvement ne doit pas être sous-estimée, estime Gabrielle Lynch.
"Je pense que c'est le signe de problèmes profondément enracinés qui vont revenir encore et encore"
, pronostique-t-elle.
"Ils peuvent disparaître pendant quelques mois ou un an mais cela ne veut pas dire que la colère populaire va disparaître".
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